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Critique de Kirzy


Kirzy
04 septembre 2019
°°° Rentrée littéraire 2019 #14 °°°

«  Homme, es-tu capable d'être juste ? C'est une femme qui t'en fait la question . » a dit Olympe de Gouges. Là, c'est un homme qui en fait la question, l'historien et écrivain Ivan Jablonka.

L'objectif de cet essai est éminemment respectable après le tournant majeur amorcé par le mouvement #metoo : repenser la masculinité, inventer de nouvelles formes de masculinités pour faire des «  hommes égalitaires, hostiles au patriarcat, épris de respect plus que de pouvoir. Juste des hommes, des hommes justes. »

Cet essai est très ambitieux puisque l'auteur adopte un point de vue global, piochant des exemples du monde entier dans les domaines de l'histoire et de la sociologie. Il se compose de quatre parties :

- « le règne de l'homme » sur les origines de la mise en place du patriarcat et de la domination masculine, depuis le Paléolithique, toutes civilisations et religions comprises

- « la révolution des droits » sur la naissance du féminisme et des conquêtes vers plus d'émancipation féminine

- « les failles du masculin » sur la crise de la masculinité à mesure que les femmes acquièrent visibilité et droits

- « la justice de genre » sur ce vers quoi nos sociétés actuelles devraient tendre pour en finir avec le patriarcat et mettre en place une réelle égalité

Les trois premières parties relèvent d'un énorme travail de documentation très rigoureux afin d'extraire des exemples concrets et précis ainsi que des chiffres irréfutables. Si le propos est clair, pédagogique avec des sous-parties courtes, j'ai trouvé cette accumulation d'informations un poil indigeste ou du moins répétitives. Souvent j'aurais eu envie ou besoin d'un approfondissement pour développer certains points passionnants. Mais ce n'est pas le parti pris d'Ivan Jablonka qui a voulu plutôt un ouvrage exhaustif et il semble l'être.
Il est sans doute pertinent de ne pas lire ces trois parties d'un coup mais d'y revenir pour trouver des informations ponctuelles.

La quatre partie est pavée de bonnes intentions, impossible de réfuter quoi que ce soit concernant la nécessité impérieuse de bouger les lignes, notamment en éduquant mieux nos garçons pour qu'ils deviennent des hommes justes. Beaucoup de lieux communs cependant ou de déclarations d'intention évidentes. Mais cet ouvrage est nécessaire, car, pour amorcer un changement, il faut bien qu'il y est un début. Et Des Hommes justes en est un, qui appellera sans aucun doute d'autres ouvrages peut-être plus profonds ou proposant réellement de vraies solutions innovantes. Il fait réfléchir le lecteur sur cette question de la justice de genre, oblige à penser à ses propres pratiques, à son propre comportement et ça fait du bien que ce soit un homme qui le dise de façon aussi forte.

En fait, ce qui m'a le plus touché et intéressé dans cet essai, c'est son épilogue à la première personne. Ivan Jablonka évoque son décalage dès le plus jeune âge avec les us et coutumes de la virilité. Il parle de sa paternité. Et là, le propos universitaire respire, s'incarne : «  Devenir le père de mes filles a été le grand événement de ma vie. Il me reste quelques années auprès d'elle, soucieux de mettre en oeuvre ce que je professe. Avant que je sorte de ce monde, j'aurai peut-être la chance de voir nos fils devenir des hommes justes, et nos filles, des femmes libres.

Important car défricheur.

Lu dans le cadre du jury Grand Prix des Lectrices Elle 2020 ( n°3 )
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