AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de DocIdoine


En règle générale, je n'ai jamais trouvé de mérite aux bandes dessinées qui, ainsi que Roland Barthes l'a bien mieux dit que je ne saurais le faire, équivalent à éradiquer la faculté de représentation, base même du fonctionnement intellectuel (ça, c'est Emmanuel Kant qui l'a mieux dit que moi).

Toutefois, je fais quelques exceptions. Il est impossible, par exemple, de réduire Jacobs aux catégories de la "bédé". J'en veux pour preuve, d'ailleurs, que ce n'est justement pas le lecteur type de "bédés" qui lit Jacobs. Et si j'ai toujours trouvé à la fois pédant et suspect le mot de "roman graphique", je dois avouer qu'en l'occurrence, ça convient assez bien. La dimension authentiquement littéraire est d'ailleurs difficilement discutable.

Il faut reconnaître à Jacobs que certains de ses Blake et Mortimer sont saisissants de prémonition, et qu'ils ne sont pas dénués d'une certaine profondeur philosophique. le Piège diabolique, par exemple... L'état du métro, le langage SMS, l'effarant hologramme de François Hollande, et cette page 38! Cette page TRENTE-HUIT! où Focas explique à Mortimer la dictature mondiale, "l'homme fonctionnel"... Mais comment, diable! - comment?? - cela peut-il encore circuler librement alors qu'il suffirait de 451 degrés Fahrenheit... L'hypothèse la plus probable, c'est que les censeurs ne peuvent pas se hisser au niveau de compréhension nécessaire pour y détecter quoi que ce soit. Ou bien ils se disent: gare à l'effet Streisand (ou Parmentier inversé)! Personne n'est capable de lire ça, et tout le monde s'en fout. Mais si on se met à l'interdire, ils vont tous se ruer dessus.

Une réflexion très intéressante de Blake, qui est témoin d'une conversation entre un conservateur et un progressiste: "Passé, avenir... Qui sait, gentlemen, si le "bon temps" dont vous parlez n'est pas justement le moment présent". Oui, il est probable que moi aussi, en septembre 1960, c'est ce que j'aurais pensé, pressentant qu'on était parvenu à un point délicat d'équilibre où tout allait plutôt pas mal. Car c'est une réflexion qui, chez Jacobs, va au-delà du banal "carpe diem". L'idéologie du progrès est tout aussi stupide que le passéisme pour le principe. Ce n'est pas l'avant ou l'après qui font que quelque chose est meilleur ou pire. Jacobs pressentait que la relative harmonie des Trente Glorieuses prendrait fin dans le chaos. Il ne manquait que des gilets jaunes à ses rebelles...
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}