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Critique de Mome35


Il aurait pu s'appeler « Adidas », la face scarifiée par trois balafres au front et sur chacune des joues. Il se prénomme en fait « Bingo », métaphore de la réussite, de la chance. Il est livreur – non pas de pizzas – mais de dope. Un « coureur », « le meilleur de Nairobi, du Kenya et peut-être du monde. » Il ravitaille tout ce que la ville « où la mort est un art de vivre » comporte de drogués dans les milieux les plus favorisés, valet et envoyé spécial du dealer qui a tué… sa mère.
Bingo a 15 ans mais il en paraît 10 suite à un retard de croissance. Très intelligent, malin comme un ouistiti, rusé comme un isatis, il profite de cette mutation tardive, joue parfois comme un ado, rapine à droite et à gauche, économise quand il peut, « laboure » des putes ou des filles de passage et profite d'une liberté que lui confère son statut d'orphelin. L'absence de la mère est omniprésente dans ce roman qui n'est pas un polar ou un thriller, mais plutôt un conte africain. La vie de Bingo est le fil rouge qui relie des légendes africaines. Chaque chapitre est une aventure truffée de coutumes ancestrales, de métaphores naïves, d'allégories africaines. Chaque personnage possède son surnom jailli des croyances et symbolique de leurs actions. Bingo côtoie tout un monde hétéroclite, du vieil homme qui passe ses journées au sommet d'une décharge à lire tout ce qu'il trouve, au groom philosophe, en passant par un chef de la police ripou et unijambiste, un curé traficoteur, une bonne soeur tyrannique, une femme de ménage diablement futée ou un génie de la peinture fou. Jusqu'à ce qu'il se découvre – peut-être – une mère en la personne de Mrs Steele, une Américaine aux cheveux d'or, marchande d'art mais surtout en mal d'enfant. Elle l'adopte. L'ambiguité nait alors d'un nouveau statut de marchand d'art qu'il s'est fabriqué avec un contrat exclusif entre lui et « l'artisse » fou et sa nouvelle mère dont il ne sait si la cupidité l'emporte sur l'amour filial.
Cette merveilleuse chronique keniane est une belle et surprenante réussite grâce à l'originalité de l'histoire, à son déroulement qui va crescendo, mais aussi par la fluidité d'un vocabulaire naïf né d'un choix d'écriture qui porte le sceau et les couleurs africaines. le plaisir de la lecture est permanent. L'épilogue laisse planer le doute sur le choix de Bingo : l'Amérique, l'amour de Colette Sleeve, le modernisme, les études et le confort financier ou Nairobi, sa crasse, son danger, ses dealers, sa pauvreté, le mystère du corps de Charity et surtout la liberté. Seul James A. Levine connaît la réponse.
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