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Critique de Cosaque


Parmi les 37 qui ont précédé celle-ci je n'ai eu l'occasion de ne lire que deux versions. Il s'agit très certainement des deux plus connues, l'originelle de Plaute et le divertissement royal en vers de Molière.
La variante de Giraudoux a pour elle d'être la plus chaleureuse des trois. Tout en respectant le mythe primitif, il est parvenu à construire une histoire avec des personnages qui nous sont proches. Et pourtant il ne s'agit rien moins qu'une visite rendue à une pauvre thébaine par le dieu des dieux, Jupiter. Malheureusement cette brave dame a un mari auquel elle est fidèle. Ne reste donc comme possibilité à la divinité concupiscente qu'à prendre l'apparence du mari (Amphitryon). Toutefois au préalable il demande à son fils Mercure de négocier auprès de la Nuit pour que cette dernière se prolonge au-delà du normal, afin de forniquer plus longtemps. le plan fonctionne à la perfection. Avant de s'en aller Jupiter déclare au mari, un peu déconfit, qu'il ne doit ni conspuer son épouse, ni se sentir bafouer, bien au contraire, car il a été honoré d'un cocuage divin. Et zioup lui et son fils repartent vers l'Olympe.

Chez Plaute et Molière, les dieux surplombent totalement les agissements des pauvres mortels. En outre il y a chez Molière au minimum de la complaisance, si ce n'est de la servilité envers Louis XIV. Car en faisant de Jupiter celui qui peut tout se permettre sans avoir à se repentir de rien , c'était comme faire le portrait galant de ce jeune roi de 30 ans. Sous Jupiter perçait le Roi Soleil.

Giraudoux, lui, fait de ce personnage omnipotent, omniscient avec tous les attributs de la divinité, une espèce de pauvre gars un peu borné incapable de se remettre en cause, presque un cas psychiatrique. Et c'est Alcmène (la fidèle épouse) qui apaise les souffrances narcissiques de Jupi. Pourtant le pauvre malgré tous ses efforts pour se rendre plus acceptable, c'est-à-dire plus humain en étant plastiquement moins parfait, il ne réussira pas à subvertir cette petite bonne femme de rien du tout. L'argument selon lequel une nuit passée avec un amant est plus intéressante que la même nuit avec un mari ne prend pas. S'il a l'apparence du mari il tient tout de même à s'en distinguer. Donc il invente la fable d'un jeu de rôle auquel se livrerait Amphitryon en pénétrant nuitamment et incognito au domicile conjugal ; par là, il deviendrait un amant illégitime, ce qui est tout de même plus excitant. Or Alcmène imperturbable ne comprend pas l'intérêt d'une telle complication, qui de plus, lui semble totalement ridicule. Ne pouvant parvenir à ses fins par le mensonge, il révèle sa véritable identité. Sous sa forme divine il lui propose en échange de son consentement, l'immortalité. Rien n'y fait, elle ne se laissera pas acheter. Certes parce qu'elle n'est pas une prostituée mais aussi parce que l'éternité ne lui semble pas enviable. N'y pouvant plus tenir, Jupiter met en branle toute sa puissance céleste et assouvit son désir sous les traits du mari. Or la petite Alcmène fait l'innocente, elle ne croit pas ou semble ne pas le croire en dépit de ce que tout le monde affirme. Mais bonne fille, pour que le pauvre ne se sente pas trop diminué, elle lui propose un marché : l'oubli. Eh oui, il suffit qu'une amnésie recouvre les événements qui viennent de se dérouler, lui ne perdra rien de sa superbe et elle pourra poursuivre sa vie de petite femme qui tracera sa destinée de simple mortelle.
Ce retournement est opéré par Giraudoux avec toute la délicatesse et l'élégance d'une écriture que nous ne retrouvons plus guère dans le théâtre contemporain.
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