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Critique de MarcelineBodier


Préférer l'hiver est un livre dont j'ai lu la première page parce qu'une sollicitation extérieure m'y a incitée, et la centaine d'autres, parce qu'une nécessité intérieure m'y a obligée. C'est un roman absolument sans concession, qui explore la douleur jusqu'en ses moindres replis, ne recule devant aucun sentiment indicible, ne craint pas d'affirmer qu'il écrit l'ineffable – car c'est entièrement vrai, il le fait.

Le sujet fait absolument horreur : la perte d'un enfant. Vous pensez que rien ne saurait moins inciter à lire un livre que de savoir que c'est cette idée qu'il va vous obliger à affronter ? J'ose l'écrire : vous auriez tort. le livre est trop court, on en redemande, on voudrait accompagner ces femmes plus loin encore dans l'hiver – ou alors, atteindre le printemps avec elles.

Pourquoi ? Je crois que c'est à cause de l'écriture d'Aurélie Jeannin, des mots qu'elle trouve, des expressions qui explorent des zones d'ombre que nous croyions bien cachées, qui les font surgir et les nomment, et que nous reconnaissons comme étant aussi les nôtres. C'est aussi parce que son écriture n'est pas uniquement celle des tourments invisibles, elle est aussi celle du corps : elle est très incarnée, très physique. Elle hurle, elle frappe, elle va tout au bout du besoin et des désirs de violence, de meurtre et de destruction, elle ose tout et on va au bout de tout avec elle.

C'est en quelque sorte le mariage réussi de Donald Ray Pollock et de Stefan Zweig, ce qui est un tour de force dont je n'aurais jamais osé imaginer la possibilité : Le diable, tout le temps, mais aussi La lettre d'une inconnue. La confrontation avec l'horreur des pires expériences humaines, mais dans une quête intime et lente, qui englobe l'exploration du sentiment amoureux. Alors évidemment, vous pouvez ne pas le lire, pour échapper à la violence du drame d'une inconnue. Mais si vous évitez cette expérience, ce n'est pas au drame d'une autre que vous échapperez : c'est à la possibilité que ce livre offre de donner un nom aux drames qui vous hantent, vous.

Je n'ai rien contre l'idée que le feel-good existe, mais quand on lit un livre comme celui-là, on se rappelle qu'on est vraiment en droit d'exiger énormément plus de la littérature, d'exiger une expérience extrême qui n'a rien à voir avec les bons sentiments. Dans un moment d'apaisement, Aurélie Jeannin écrit « Maman distingue les écrivains et les romanciers. Elle dit que les romanciers savent raconter des histoires. Que ce qui importe aux écrivains, ce sont les mots, leur enchaînement et leur rythme. Ceux qui excellent dans les deux, elle les appelle les auteurs. » Aurélie Jeannin est sans conteste un auteur.
Lien : https://www.20minutes.fr/art..
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