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Critique de kuroineko


Pauvre Kayochan... pauvre petite Madame Bovary du Soleil Levant... Seuls vêtements, accessoires et cosmétiques de luxe ne viennent éclairer une vie familiale qu'elle juge étriquée et insipide. Pour lutter contre ce vide qu'elle sent croître en elle après les désillusions du mariage et du rôle de mère au foyer, elle met le doigt dans un engrenage infernal. La frénésie des achats compulsifs, des soldes privées, etc lui donnent, l'espace d'un moment, la sensation d'être pleinement vivante. Chimère de plus puisque rien ne peut combler durablement le gouffre en elle.

Jha Radhika est une auteure d'origine indienne qui a vécu un temps à Tokyo, ce qui lui a donné l'idée de ce roman. Elle retranscrit parfaitement des éléments constitutifs de la société japonaise : le mari dévoué jusqu'à point d'heure à son entreprise, la femme attachée au foyer et à l'éducation des enfants, ... Puis les dérives du consumérisme des folles années 80, avant l'éclatement de la bulle financière et de la grave crise économique qui ébranle l'archipel. le luxe n'en a pas moins continué à obséder nombre de Japonaises, parfois prêtes à tout pour un sac Vuitton, des chaussures Ferragamo et autres valeurs sûres du prestige vestimentaire occidental. Kayo en suit d'ailleurs la pente avec un abandon presque lascif.

Le thème n'est pas sans rappeler celui du roman de Murakami Ryu, Love and Pop.  Il y traite de la pratique de l'enjokosai, rendez-vous tarifés (pour ne pas dire prostitution ) auxquels se livrent lycéennes et étudiantes, voire collégiennes, avec des hommes plus âgés pour pouvoir s'offrir tous ces produits de grandes marques. La société japonaise étant ce qu'elle est, il est de bon ton de ne pas déparer par rapport au groupe et de suivre la tendance. Sous peine d'exclusion, condamnation sociale insupportable au Japon.
Le caractère "carcan" de cette société est dépeint à merveille par Jha Radhika, notamment avec le groupe des mères de famille ou encore le rôle des voisines qui exercent une pression sociale terrible, prêtes à enfoncer le clou qui voudrait dépasser, pour reprendre un proverbe nippon.

Avec talent, l'auteur nous entraîne dans la spirale compulsive de Kayo et dans les méandres de la condition féminine de l'archipel, avec son culte de l'apparence, du jeunisme et du luxe. Ça ne résume certes pas ce magnifique pays mais c'est néanmoins une réalité qui ressort dans d'autres romans et essais sociologiques comme ceux de Muriel Jolivet. La narration à la première personne rend l'histoire encore plus immersive car on se trouve dans la tête même de cette acharnée de la beauté.

J'ai pris grand plaisir à lire ce roman maîtrisé et finement écrit. Les passages dans le vieux temple, chez okaasan et otoosan, m'ont tout particulièrement ravie. Une lecture que je recommande chaleureusement.
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