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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 7 épisodes de la minisérie du même nom, initialement parus en 2013/2014. Le scénario est de Geoff Johns, les dessins de David Finch et l'encrage de Richard Friend. La mise en couleurs a été réalisée par Sonia Oback. Cette histoire constitue un crossover dans l'univers partagé DC, c'est-à-dire un récit où se croisent de nombreux superhéros (et supercriminels), avec un impact sur les histoires de la majeure partie des autres séries publiées à ce moment. Un recensement rapide (merci le site comicbookdb) permet de distinguer plus de 120 personnages différents et identifiables.

Lex Luthor est à bord de son hélicoptère personnel, en train de discuter avec Thomas Kord, pour le rachat forcé de son entreprise. Son hélicoptère est abattu en plein vol. Sur l'écran de son téléphone apparaît le message "This world is ours.". Nightwing (Dick Grayson) ramène un prisonnier (Zsasz) à l'asile d'Arkham où il est attendu par un adversaire qui reste dans l'ombre et qui le terrasse avec facilité. À Metropolis, un sosie de Superman s'attaque au building de l'entreprise Luthor, arrache la porte du coffre fort et sniffe la kryptonite. À Central City, les Rogues voient apparaître un coureur très rapide qui n'est pas Flash. À Belle-Rêve (une prison pour méta-humains implantée en Lousianne), 2 individus ressemblant à Firestorm et Green Lantern libèrent tous les prisonniers. Cela ne fait aucun doute : 8 supercriminels ressemblant aux membres de la Justice League viennent d'arriver d'une autre dimension. Ils sont venus pour s'installer et dominer le monde. Problème : les vrais membres de la Justice League sont introuvables, voire portés pour morts.

L'exercice du crossover est toujours difficile pour les scénaristes. Il faut réussir à concevoir une menace à l'échelle de la planète (c'est un minimum, voire de la galaxie, ou de l'univers) qui justifie l'implication d'un maximum de superhéros (les supercriminels peuvent à la rigueur ne pas apparaître). Il faut que le récit puisse se lire de manière à peu près autonome, tout en donnant envie de lire les séries annexes, bref un vrai casse-tête. Geoff Johns n'en est pas à son coup d'essai en la matière puisqu'il a déjà été l'architecte et le scénariste de Infinite Crisis (2005/2006), 52 (2006/2007, avec Grant Morrison, Greg Rucka et Mark Waid), Blackest Night (2009/2010) et Flashpoint (2011).

Pour ce nouveau crossover, il a été puiser son inspiration dans une Terre parallèle (référencée Earth-3) où les rôles sont inversés entre supercriminels et superhéros. Ainsi cette version dégénérée de la Justice League décide de s'établir sur la Terre principale, après avoir éliminé la vraie Justice League (voir Trinity war). Seuls Batman et Catwoman semblent avoir réchappé de cette extermination. En cela Geoff Johns se montre particulièrement habile en prenant le contrepied des crossovers récents qui avaient tendance à se dérouler de plus en plus en vase clos entre superhéros, sans supercriminels.

Ici faute de Justice League, plusieurs supercriminels vont devoir se retrousser les manches, et travailler avec Lex Luthor pour reprendre le dessus. Le récit présente une cohérence qui permet de le lire du début jusqu'à la fin sans avoir l'impression d'avoir rater un moment important, tout en ayant conscience que certaines situations ont évolué en coulisses dans une série mensuelle ou une autre. Geoff Johns fait évoluer la situation en consacrant alternativement des séquences pour les supercriminels d'Earth-3, puis pour ceux de la Terre principale qui incarne la résistance à cette invasion totalitaire.

Par la force des choses, chaque épisode comprend des affrontements physiques spectaculaires (mais pas toujours palpitants). Johns ménage également plusieurs moments significatifs pour les amateurs de l'univers partagé DC, allant de la première apparition New 52 de Bizarro, à l'utilisation d'un anneau de pouvoir jaune par Batman, sans oublier le petit coffret contenant de quoi neutraliser chaque membre de la Justice League (objets patiemment recueillis par Batman au cas où).

Cette histoire est illustrée du début jusqu'à la fin par David Finch, plutôt en bonne forme. Certes il est visible qu'i fatigue pour les 3 derniers épisodes et qu'il sacrifie les arrières plans, laissant Sonia Oback les étoffer par le biais d'effets spéciaux à l'infographie. Finch a conçu des apparences spécifiques pour chacun des 8 supercriminels d'Earth-3, avec des expressions faciales montrant le plaisir qu'ils tirent de cette situation, ou leur inquiétude. Il réussit à leur donner une personnalité graphique très consistante.

David Finch a dû réaliser un gros travail de recherche de références pour s'assurer que tous les costumes de ces personnages (un peu plus de 120) soient raccord avec la continuité en vigueur. Chacun des supercriminels est imposant et inquiétant, avec une attitude qui montre qu'il ne faut pas le chercher. Par contre les scènes d'affrontement physiques manquent de conviction, les personnages posant plus qu'ils ne se déplacent. Finch n'arrive à concevoir des prises de vue rendant compte de la force des opposants, encore moins de leur tactique de combat. Ce point ressort d'autant plus que l'interaction avec le décor se limite à des débris, sans incidence réelle des caractéristiques du lieu.

Du coup, le lecteur a un peu de mal à se passionner pour ces combats, points de passage obligés, manquant un peu de relief. Il éprouve aussi quelques difficultés à croire en l'ampleur du danger car il sait pertinemment que la Justice League jouera le rôle de la cavalerie qui arrive au dernier moment pour sauver tout le monde. Contre toute attente, ce n'est pas vraiment ce qui se passe, mais Johns ne peut pas éviter d'utiliser une très grosse ficelle pour redonner l'ascendant au côté des bons (le tour de passe-passe avec le mot prononcé par l'autre Luthor).

Le lecteur occasionnel de l'univers DC aura du mal à se passionner pour cet événement dans lequel les civils sont absents, et les criminels ne cherchent qu'à devenir maîtres du monde sans idée de quoi en faire (ne parlons pas de leur nom : le syndicat du crime). Le lecteur plus régulier des séries New 52 a donc le plaisir de voir quelques moments très autoréférentiels, mais pas seulement. Geoff Johns réussit également à glisser dans cette énorme machine un ou deux éléments plus liés aux personnages. Certes il est amusant de voir Ultraman sniffer de la kryptonite et y être accro, mais il est encore plus pervers de voir comment Superwoman instrumentalise sa supposée grossesse. La vraie réussite de Geoff Johns réside dans le portrait de Lex Luthor qu'il fait, dans l'exposé de ses motivations (pas neuves car déjà vu par exemple dans Luthor, mais formulées de manière très convaincante et perspicace), ainsi que dans celui de ses qualités intrinsèques. À la fin de l'histoire, Lex Luthor a gagné en épaisseur, en tant que personnage, au point d'en devenir le vrai héros (même si cela n'excuse pas ses crimes par ailleurs).

Au final, "Forever Evil" n'est pas un mauvais crossover, mais il ne possède pas le souffle de "Blackest night", ou la séduction graphique des dessins minutieux de Phil Jimenez pour "Infinite crisis", ni même l'envergure de "Flashpoint". Geoff Johns n'arrive pas à retranscrire la séduction vénéneuse du Syndicat du Crime, comme avaient pu le faire Grant Morrison et Frank Quitely dans JLA Earth 2. Johns et Finch réussissent quelques belles séquences, et donnent une épaisseur inattendue aux personnages.
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