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Critique de Croquignolle


De ma terrasse où je viens de passer un après-midi bouleversant au soleil à la lecture de Sa préférée, je lève les yeux sur Vercorin et son tour du mont, à la recherche d'une sérénité perdue l'espace d'une lecture.
Vercorin.... Son calme, ses couleurs, sa beauté, ses habitants, son Margueron et son téléphérique, son église et ses mazots.
Vercorin... Ses parapentes colorés qui titillent ma soif de liberté chaque matin et en toute saison.
Vercorin... Havre de paix dans lequel Jeanne, la narratrice, puise quelques forces pour tenter de trouver l'équilibre qui lui a toujours fait défaut.
Vercorin... comme Valais, personnage principal de ce premier roman, son caractère rude, franc, vrai, tortueux et tellement ancré dans sa terre, dans son terroir.

L'histoire principale ne se passe pas dans cette vallée d'Anniviers. Elle habite la vallée d'à côté. Les rencontres y sont pourtant les mêmes. Les familles cabossées hantent les mêmes lieux. Les ragots se murmurent au détour des sorties de messes. Les secrets se terrent. Et le silence règne. Terrible. Terrifiant.
Les appels au secours d'une enfant ne sont pas suffisamment dérangeants pour que les adultes osent sortir de leur petite vie tranquille ou misérable, épanouie ou hypocrite.
Un enfant, ça se tait. Ça ne sait pas. Ça ne doit pas faire trembler les adultes.
Du moins, c'était avant !
Car aujourd'hui le Valais a changé. Ou la société. Ou les deux. le silence a été rompu. L'heure est à l'entraide, à la dénonciation, à la solidarité ou à l'accusation. du moins, c'est ce que je veux bien croire.

Le silence pourtant est bien là, au plus profond de mon âme, au moment de refermer ce coup de poing littéraire qui m'a chahutée, secouée, terrassée.
Je n'ai absolument pas réussi à prendre de la distance avec cette histoire dramatique, ses personnages si singuliers et pourtant si universels. J'ai plongé au coeur de l'horreur me projetant des dizaines d'années en arrière. Et si, en tant qu'amie, qu'écolière, que co-équipière je n'avais pas su voir des appels au secours ? Et si j'avais ouvert plus grand mes oreilles aux murmures feutrés des confidences ? Et si j'avais accepté d'être dérangée dans ma petite vie bien tranquille ?
Comme Sarah Jollien-Fardel, je suis Valaisanne, fière de mes racines et terriblement consciente des secrets hantant les fonds de vallée.
"On l'envoyait à l'alpage. Mais on savait exactement ce qu'il se passait là-haut avec le berger. Personne ne disait rien. C'était comme ça." m'avait confié un collègue un jour autour d'un café. Et moi d'oublier de déglutir.

Sa préférée ne laissera personne indifférent.
L'écriture percutante de l'auteure, sa volonté de percer les mystères, de décrire l'innommable, de relier les décennies, de secouer les bonnes consciences nous emmènent loin au pays des émotions, des bouleversements, des remises en question, des doutes et des silences.

Ajoutez à cela son amour pour une terre, pour son Valais natal, et vous aurez, je l'espère, le Prix Goncourt 2022.
C'est tout ce que je souhaite à cette auteure si talentueuse.
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