AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de krzysvanco


La carte du souvenir et de l'espoir est un livre qui m'a fait voyager et qui m'a ravi !

L'autrice, Jennifer Zeynab Joukhadar, dédie ainsi son livre
“Aux Syriens,
de Syrie où d'ailleurs,
et à tous les réfugiés”

Nous y faisons connaissance en 2011 avec Nour, petite fille de douze ans, née à New-York, dernier enfant d'un couple de Syriens alors que son père, « Baba », vient de décéder d'un cancer.
Bien vite, la situation économique de la famille se dégradant, sa maman décide de retourner en Syrie. C'est un dépaysement total pour Nour qui ne connaît, contrairement à ses soeurs que quelques rares mots d'arabe.
La situation en Syrie se tend, manifestations, explosions. Leur maison est entièrement détruite par un obus et la famille doit fuir. Ils traverseront de nombreux pays.

Voilà bien décrit la pénible odyssée des réfugiés : longs parcours pour chercher enfin un havre de paix, parcours parsemés d'obstacles, de tragédies et de mort.

Le roman, parallèlement au parcours de Nour, nous en fait vivre un autre, huit cent ans plus tôt, celui de Rawiya, jeune fille de seize ans, qui se travestit en garçon pour rejoindre le célèbre géographe al Idris dans l'espoir de le suivre et ainsi aider sa famille, pauvre car sa mère est veuve.
Les parcours de Nour et de Rawiya sont semblables, ils traversent les mêmes régions.
L'autrice établit ce lien parce que l'histoire de Rawiya était l'histoire que le père de Nour lui racontait sans cesse et dont elle ne se lassait pas.
Les deux parcours se mêlent sans cesse dans le roman, celui de Rawiya nous plonge dans la région du Levant à l'époque, nombre de personnages historiques y apparaissent et principalement le géographe al Idris qui établit à l'époque une carte du monde remarquable pour le compte du roi Roger II de Sicile - le livre des voyages agréables dans les pays lointains.

Outre ces personnages historiques, une créature mythique y apparaît et s'avère un acteur important : le Roc, oiseau à l'apparence d'un énorme aigle que l'on retrouve dans les mythologies arabes et indiennes.

Nour et Rawiya ont de nombreux points communs : père absent, au service d'un cartographe pour Rawiya, mère qui dessine des cartes pour Nour, toutes deux se travestiront en garçons, etc.
“Mama a un petit rire
— je crois bien que personne ne ressemble autant à Rawiya que toi.”

J''ai trouvé énormément d'attraits à ce roman et sans être certain de les détailler tous, je relèverais les points suivant :

- la richesse et la poésie de chaque description, qualités facilitées par la synesthésie de Nour : elle associe plusieurs sens
« Il parle à Mama en arabe. Sa voix est grise à pois roses. Celle de Mama est d'un châtain irrégulier, plus jaune que d'habitude. 

- la force, le courage et la résilience des deux jeunes filles

- L'atrocité de la guerre est bien rendue : Nour ne la comprend pas, sa mère non plus
- L'autrice nous décrit cette guerre sans nous en donner la genèse, pas de considération politiques, ce qui allège le récit

- L'importance donnée dans le roman a l'observation du ciel et des constellations. de nombreux passages y sont consacrés : Nour adorait les contempler avec son père, Rawiya les observe pour guider l'expédition avec l'astrolabe. Remarquons que le titre original anglais du roman est « The Map of Salt and Stars », le sel y représente quant à lui le chagrin et les épreuves.

- L'Orient est évidemment omniprésent avec ses lieux mythiques et l'odeur de ses épices.

Bien évidemment aussi et surtout, il nous décrit bien les trajets éprouvants et dangereux des réfugiés qu'hélas. nos pays accueillent parfois di mal

- Les nombreux lieux cités avec leur appellation arabe ou antique.

Ce dernier point m'amène à un troisième parcours.
Énormément de lieux, de régions sont citées mais malheureusement aucune carte ne figure dans le livre. Ces lieux sont admirablement décrits et m'ont donné envie de mieux les découvrir.
. D'autre part le contexte historique du XII è siècle me faisait grandement défaut, je le connaissais mal. J'ai lu ce roman sans m'en inquiéter car il est suffisamment captivant pour que cela ne me gêne, et je l'ai lu rapidement pour cette raison.

J'ai voulu le relire entièrement après l'avoir achevé et cette relecture m'a pris beaucoup plus de temps car j'ai voulu cartographier le parcours, me renseigner sur tous les endroits traversés, en trouver des images. Adolescent, j'aimais écouter un de mes oncles qui avait été ambassadeur à Damas parler de la Syrie, j'ai eu des clients syriens qui me parlaient de leur payS et cela me donnait envie - avant la guerre - d'y aller.
J'ai voulu approfondir mes connaissances sur les personnages historiques cités al Idris, Roger II de Sicile, Guillaume Ier de Sicile, le calife Az-Zahir, Nour as Din et tant d'autres, j'ai recueilli des informations sur les différents empires de l'époque : Seldjoukide, Fatimide, Almohades.
Je me suis penché sur la légende persane du Roc, capable d'emporter un éléphant dans ses serres et dont Marco Polo fait état dans ses relations de voyage.
J'ai poussé même cette recherche sur les plats cités et ai noté les recettes de l'iftar des katayefs, de l'oubl bi zeit et tant d'autres. Ne reste plus qu'à les tester….

Le roman se suffisait amplement en lui-même (sauf peut-être cette absence de carte dans le livre), il m'a marqué, ses héroïnes également mais je suis heureux d'ajouter qu'il m'a poussé en plus à d'autres découvertes.
Commenter  J’apprécie          453



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}