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Critique de Levant


C'est après avoir arpenté le site de Bibracte dans toutes ses dimensions que j'ai fait l'acquisition de cet ouvrage auprès du très beau musée qui a été construit au pied de la colline du Mont Beuvray. Formidable mise en scène iconographique de la vie de nos ancêtres à grand renfort de techniques audio visuelles modernes. Perché sur ce modeste sommet bourguignon, je suis resté quelque peu méditatif à l'idée d'avoir sous les yeux les vues profondes d'un paysage que Jules César a pu contempler lui-même, y ayant séjourné à plusieurs reprises. L'imaginant s'avancer, avec la morgue du vainqueur, sur ce promontoire qui garde le nom de terrasse et toiser les peuplades des vallées environnantes avec surement un soupçon de mépris dans le regard.

Les Héduens, la tribu gauloise implantée sur cet oppidum, était alliée de Rome. Alliance parfois un peu lunatique et imprévisible mais alliance quand même, en cette année 58 avant notre ère. Sans doute par crainte non pas des légions romaines, quoique, mais plutôt de celle des Helvètes et autres Germains en quête de terres fertiles pour nourrir leurs tribus grandissantes à l'étroit dans les vallées alpines. En échange de bons procédés, les Héduens avaient trouvé en Jules César un allié de poids pour assurer leur tranquillité en leurs terres entre Saône et Loire. César avait quant à lui trouvé un point d'ancrage, une région d'hivernage au centre de gravité des Gaules qu'il convoitait.

Pour ce qui est de la civilisation gauloise pré romaine, les amateurs de spectaculaire en matière vestiges en seront pour leur frais, à Bibracte comme ailleurs. Les Gaulois étant de vrais promoteurs du développement durable, c'est à dire bio dégradable, c'est sous d'épaisses couches de terre qu'il faut rechercher les fragments de bois et de poterie qui témoigneront de l'occupation du site avant que les romains n'inspirent à leurs nouveaux sujets des techniques constructives plus pérennes. de celles qui laisseront des traces visibles à nos yeux de contemporains du XXIème siècle avides de légendaire. Heureusement que le site lui-même est mis en valeur avec bonheur dans son spectacle de nature et que le musée à lui seul justifie le détour.

La Guerre des Gaules est le récit de ces campagnes qui entre l'invasion de notre pays par les Helvètes en 58 et la défaite de Vercingétorix en 51 avant notre ère, soit environ sept années, ont permis à Rome d'étendre sa domination au-delà de ce qui était déjà sous sa domination jusqu'alors : la Gaule cisalpine – nord de l'Italie actuelle – et la Gaule transalpine – Provence et Roussillon. Les faits et méfaits de la guerre étant racontés par celui qui les a vécus lui-même : le grand Jules César. C'est dire si les faits seront portés à son crédit et les méfaits à ceux de nos ancêtres.

D'aucuns affirment pourtant que César avait pour les peuplades gauloises une certaine sympathie. de celle qui se cultive sans doute à coups de glaive et parades de boucliers. le grand consul n'en dresse pas moins un portrait qui n'est pas forcément à leur avantage. Il n'accorde de mérite à nos belliqueux ancêtres que lorsque cela lui confère d'autant plus de gloire de les avoir vaincus. Il se fait plus souvent fort de souligner leur versatilité, division, désorganisation qui les ont pénalisés et empêchés de stopper l'avancée des troupes romaines qui quant à elles brillaient par leur cohésion et leur discipline, y compris quand le nombre était en leur défaveur. Ses harangues au front des troupes ont retourné des situations plus que compromises. Sa seule apparition sur le théâtre des opérations galvanisait les troupes à une hauteur que n'a jamais pu atteindre un Vercingétorix. Il n'en reste pas moins que même si le résultat est incontestable, l'auteur de la Guerre des Gaules ne brillait pas par modestie.

Il y a plusieurs lectures de ce que César appelait ses commentaires. Il y a pour contrecarrer le vertige des luttes sanglantes auxquelles se livraient les protagonistes une lecture qui met à jour les moeurs de l'époque et tant d'autres aspects que les historiens ont pu exploiter avec bonheur. La Guerre des Gaules est un récit qui conserve un intérêt évident allant bien au-delà de la relation de campagnes militaires. Même si c'est un ouvrage qui devait avant tout servir les intérêts de son auteur auprès de ses compatriotes romains, il reste un témoignage écrit exceptionnel sur la Gaule, les Gaules doit-on dire à l'instar de César tant les divisions prévalaient. Bien que faussé par l'intention première de son auteur, il a conservé un intérêt culturel et géographique indéniable. Il compense de ce point de vue la discrétion de nos ancêtres en matière d'archives laissées à notre curiosité. Les historiens ont su décoder le travestissement de la réalité que César a pu commettre. Mais force nous est malgré tout de relever avec un soupçon d'honnêteté, dans les propos du magnanime parlant de lui à la troisième personne, quelques fondamentaux dont la persistance nous vaut encore quelques critiques en matière de tempérament. A chacun ses défauts. Mais rassurons-nous, si lorsqu'on s'ausculte on s'accable, quand on se compare on se rassure.

La Guerre des Gaules est donc un récit quelque peu déprimant quand se range du côté de nos ancêtres. Mais le coq gaulois étant le seul être vivant capable de chanter avec les deux pieds dans le fumier, il se glorifie d'avoir été vengé par Uderzo et Goscinny lesquels se sont plus à faire enrager le grand César des défauts qu'il attribuait à nos ancêtres. Par Toutatis et par Belenos ! Ne sont-ils pas fous eux-mêmes ces Romains ?
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