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Critique de legrenier


Est-ce en soi dramatique de ne survivre dans les mémoires que comme un symbole ? Alors que l'on aura cherché toute sa vie à produire une oeuvre ?

J'avais déjà entendu parler d'Alain Kan pour deux faits biographiques simples : c'était le beau-frère de Christophe (à savoir que ce dernier avait épousé sa soeur) ; il avait brutalement et mystérieusement disparu en 1990. Sur un plan plus culturel, j'avais découvert grâce à Alister, gourou revendiqué de la bienveillante secte Schnock, le titre délicieusement ironique « Heureusement en France on ne se drogue pas ».

Et sinon, nada. Jusqu'au jour récent où je retrouve son nom dans la liste des bouquins à gagner grâce à l'opération Masse critique. Toujours curieux des parts d'ombre et autres recoins, je cochai derechef la case exprimant mon enthousiasme à l'idée de le recevoir et le chroniquer (merci !).

L'ouvrage est beau dans sa modestie. Petit format, belle couverture, beau papier et typo agréable. le premier feuilletage nous laisse entrevoir moults photos et documents.

Il s'agit en fait d'un manuscrit du chanteur écrit en 1979 qui a failli être publié (par Robert Laffont, selon l'auteur). Et qui l'est aujourd'hui par le courageux éditeur Séguier.
Bon, ne tournons pas autour du pot. Après lecture dudit texte, on se dit que certaines choses non publiées le sont parfois pour de bonnes raisons. Ou plutôt devrais je dire, non publiées à l'époque de leur rédaction. Tant ce texte regorge de poncifs de cette fin amère des seventies : drogue, dèche, (homo)sexualité compulsive, Bowie, Lou Reed, Pacadis, le Palace, un tout petit peu de Gainsbourg…

L'histoire est très ténue (je n'en dévoilerai donc rien) et balance entre errance, poésie et auto-apitoiements. Elle ne serait absolument pas autobiographique, assertion de l'auteur qui résiste peu après lecture de l'excellent écrin biographique rédigé par Philippe Roizès et accompagné de quelques savoureux documents (auto-interviews de promotion, relance pour impayé du Palace…).

Car si le roman s'avère assez peu captivant, l'édition présente tout son intérêt pour resituer Alain Kan comme acteur et témoin de cette époque. J'imagine que l'on pourrait ainsi retrouver de nombreux autres Alain Kan, aux destins aussi voire plus sombres.

Curieusement, cette époque me parle car, comme le biographe explique avoir raté à une génération près Alain Kan, j'ai raté aussi l'époque de peu. J'ai goûté par procuration à ses excès, trouvailles et bonheurs en lisant avec avidité ses témoins survivants et mutants, tels que Libé ou le regretté Actuel.

Il serait d'ailleurs amusant et instructif de recueillir une recension de cet ouvrage par un jeune de nos années vingt. En cette époque de sévère retour de la morale, comment cette recherche de sens ou de non-sens pourrait-elle être interprétée ?

Un livre donc paradoxalement intéressant et marquant, non pas forcément par son contenu mais par la trace qu'il nous révèle d'un temps révolu.
Un document donc. Pas sûr que c'était bien l'intention de son auteur.
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