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Critique de Gangoueus


C'est dans une troublante expérience littéraire dans laquelle m'a embarquée avec elle Sylvie Kandé. Embarqué est l'adjectif exact qui résume l'aventure que propose la poétesse franco-sénégalaise.

Embarqué.

Je rame. Mes bras deviennent pagaies. Dans la quête infinie de cette autre rive. Je rame. Dans la compréhension de cette langue élaborée. Ces mots médiévaux. Ce parler d'antan. Je rame. A l'écho de ce premier chant épique. A l'écoute de ce projet complètement fou, insensé. Je rame. Car, on évolue à contre courant d'une pensée commune concernant les subsahariens qui veut qu'ils soient peu portés par des projets suicidaires. Je rame. Je pagaie. Est-ce une question de survie? Un grand roi a
décide de traverser l'Atlantique avec deux mille de ses sujets pour l'escorter dans cet acte de bravoure. Incroyable. Insalamable diraient les congolais. Je rame et je finis par faire corps avec cette aventure. 1er chant. 2ème chant. Odyssée grecque. Odyssée mandingue. Ulysse. Aboubakar II. Manden Bori. le premier avait la prétention de revenir un jour. Qu'en est-il du second? L'important est la traversée. On le sent dans l'envolée et le lyrisme de la plume de Sylvie Kandé.

Le lecteur que je suis, est saisi par le doute. Quel sens donné à une traversée sans fin et sans orientation ? Comment imaginer la détresse de celles et ceux qui pagaient jusqu'à se transformer en statues rongées par le sel. le projet se déploie devant le lecteur dans sa forme effrayante et ressemblant à ces scènes où dans l'inhumation de certains souverains, ils entrainent dans la mort avec de nombreux sujets dont le coeur bat encore la chamade. Face à un projet mortifère en première lecture, je me questionne sur la conduite de nombres d'états africains. Je vous livre là un ressenti, des préoccupations que ces deux premiers chants poétiques ont réellement fait émerger dans ma réflexion de salon. Elle offre des scénarii multiples pour le final, mais il est parfois des développements qui ne laissent pas d'alternatives crédibles pour l'imagination.

Le troisième chant a une portée différente. Ancré dans l'actualité, il s'inscrit plus dans ce que certains nomment la migrance. Poussés par un désir de survivre, l'action est le fruit d'une fuite en avant, une errance, un échec sur la terre de départ là où le projet fou décrit plus haut célèbre le rayonnement du Manding. Les hommes, les femmes, quelque soit les raisons qui les motivent restent héroïques. Contre vents et marées, ils forcent un destin, domptent ou pas, les colonnes d'un océan dont le ventre a toujours eu de l'appétit.

Quoique l'on puisse en dire, ces trois chants sont avant tout un tour de force en termes de narration, d'esthétique, sur l'imaginaire qu'ils réinventent, sur l'histoire qu'ils questionnent et dans la dimension universelle de la quête de l'autre. Oui, quelque soit la lecture que l'on peut en faire, on est là face à de la grande littérature.
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