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Critique de pompimpon


"Arrête ton char mon pote. On me la fait pas, à moi. Ça s'entendait dans ton jeu. le dernier morceau, tu l'as pas joué, t'as sauté dedans à pieds joints et tu l'as piétiné à mort. "

Parce que, dans l'institut pour aveugles où son père l'a abandonné à 5 ans on apprend aux enfants à jouer d'un instrument de musique, d'abord le piano pour tous puis le saxo pour l'un, le trombone pour l'autre, etc, Ludlow Washington a pu développer son fabuleux talent en la matière.

Suffisamment pour que Bud Rodney, chef d'orchestre noir, vienne ni plus ni moins l'acheter au directeur de l'institut et l'embarque à 16 ans pour New Marsails où le gamin va jouer, soir après soir, au Café Boone.
Il appartiendra à Bud Rodney jusqu'à ses 18 ans, n'en déplaise à ceux qui voudraient lui proposer de venir jouer dans leur formation, comme la star Inez Cunningham.

Nombreux sont ceux qui répètent à Ludlow qu'il est doué, très doué.

Rodney, Inez Cunningham, son ami Otis Hardie, le tromboniste de l'orchestre, le lui ont dit, mais il n'en croit rien.

Le son qu'il recherche, qu'il travaille, qui lui échappe souvent, n'est que la réplique sur son instrument de ce qu'il a entendu par d'autres au piano, au saxo, au trombone, affirme-t-il.

Ludlow n'a pas appris grand-chose d'autre à l'institut. Les relations sociales, les relations entre hommes et femmes, les relations entre Noirs et Blancs n'ont pas fait partie de son éducation, qui s'est limitée aux maltraitances, à l'obéissance à un autre enfant affirmant qu'il était son maître, et à la musique.

Le monde n'est pas plus tendre pour Ludlow, musicien aveugle et noir, que pour son pote Hardie, musicien noir et voyant. Mais Ludlow a moins de souplesse ; Hardie a appris, lui, à faire avec ce qui l'entoure, et à ne pas se frapper pour un oui ou pour un non.

Et puis Ludlow ne comprend pas vraiment la singularité de son talent, qui le rend si particulier et doit être préservé.

Ludlow va souffrir.
Ludlow va avoir le coeur brisé.
Ludlow va tomber.
Ludlow va devoir apprendre à se relever.

C'est la lente, longue et douloureuse route vers la connaissance de soi, du monde dans lequel il vit et de la place qu'il doit y prendre, que William Melvin Kelley expose dans ces pages.
Et ça fait mal.

Les mots râpent et écorchent au passage.

William Melvin Kelley joue clair sa partition, de la sourdine au fortissimo, de la petite musique d'un bonheur fragile aux fausses notes tonitruantes des incompréhensions avec les femmes, de la ségrégation et de l'exploitation de son talent par d'autres auxquelles Ludlow doit faire face.

William Melvin Kelley n'est pas complaisant, il montre son personnage tel qu'il est, avec ses travers, des motivations qui ne sont pas brillantes, des décisions prises en dépit du bon sens.
Ça frappe vite et dur, comment Ludlow peut-il s'en sortir ?
Ludlow va-t-il s'en sortir ?


La puissance de l'écriture et la grande sincérité de l'auteur incitent à le souhaiter pour son personnage, jusqu'à la dernière ligne, jusqu'au dernier mot, sur tous les chemins parcourus.

Et sans savoir, jamais, de quel instrument au juste joue Ludlow…
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