AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


Les héros populaires font rarement l'unanimité. Si beaucoup de petites gens adulent Mèmed le Faucon, , d'autres le craignent. C'est que, pour défendre la veuve et l'orphelin et aussi les paysans, il a dû commettre quelques actes répréhensibles. On le lui pardonne facilement mais, pour certains, il s'agit d'un monstre assoifé de sang. On raconte mille histoires sur son compte (dont plusieurs faussetés) mais, ce qui est sur, c'est qu'il a tué Abdi Agha, son frère Hamza ainsi qu'Ali Safa. Si personne ne l'arrête, il tuera probablement aussi Mahmut Agha, ce héros de la guerre d'Indépendance. Murtaza croit tous ces racontars. Il se donne pour mission de retrouver le brigand mort ou vif. D'autres font de même, mais pour des raisons différentes. C'est qu'on a emprisonné à tort Ferhat Hodja et le Fils du Dévôt, pour faire plaisir aux beys cupides et malhonnêtes. Si les officiels le savaient… Il faut donc retrouver Mèmed et s'en débarrasser avant qu'il ne puisse intervenir. Et certains capitaines de la gendarmerie ne veulent faire que leur devoir et capturer un hors-la-loi. Bref, tout le monde veut la peau du Robin des bois turc dans le retour de Mèmed, le troisième volet de cette saga.

Mèmed est pourchassé, blessé sérieusement. Convalescent, il doit se cacher pour panser ses plaies. Alors qu'il est presque absent du roman (du moins dans la première partie), l'accent est mis sur les autres. Ses ennemis. Ils suivent de mauvaises pistes, écoutent les paysans qui les trompent. Ils croient avoir tué Mèmed mais, en fait, ils ont abattu un petit bandit de moindre importance. Ils sont la risée de tous. Leur désir de vengeance croît. Pendant ce temps, des femmes jouent enfn un rôle de plus grande importance, autres que celui de paysanne acablée ou d'amoureuse transie. Dame Hürü, une vieille femme qui n'a pas peur des hommes et de leurs réactions, une sorte de mère d'adoption pour le jeune turc, fera des pieds et des mains pour venir en aide à Mèmed. Elle fera le long voyage jusqu'à l'Hospice des Quarante-Yeux où réside la petite-mère Sultane, une religieuse aux pouvoirs de guérison spectaculaires. D'ailleurs, cette dernière a plusieurs histoires et légendes intéressantes à raconter. Des histoires aussi vieilles que l'empire ottoman, que les paysans anatoliens devaient se raconter depuis des siècles et que l'auteur Yachar Kemal avait entendues dans sa jeunesse…

C'est probablement pourquoi tant de personnages semblent si typées : ils sont l'incarnation de plusieurs individus que Kemal a rencontrés. Et cette galerie de personnages est attachante. Mais bon, je les ai décrit beaucoup dans dans mes critiques des tomes précédents, je ne veux pas me répéter. Pareillement pour la nature, toujours aussi uniques. Et les animaux ne sont pas en reste non plus. Que dire de ce cheval, cet alezan qui protège Mèmed. Plus rapide que l'éclair, il évite les balles des gendarmes et des brigands. Il est intelligent, aussi. Il accule Murtaza dans un arbre (qui risquait d'être piétiné sous les sabots de l'animal) et le retient prisonnier quelques jours, donnant au jeune héros le temps de s'échapper. Je regrette seulement qu'aucun nom ne lui ait été donné.

En d'autres mots, avec le retour de Mèmed, on plonge dans un univers connu mais, en même temps, les enjeux sont toujours plus élevés. Ils atteignent une dimension épique… mystique… Et, étrangement, je trouve ce roman un peu plus réaliste que les précédents dans son traitement. La scène de la torture du pauvre petit berger, qui refusait de donner des informations sur les allées et venues de Mèmed, est assez brutale. Mais, en même temps, plus près de la vérité et peut-être nécessaire. L'auteur ne nous présente plus les aventures rocambolesques (presque innocentes) d'un petit brigand de province à qui tout réussi. Nous n'avons plus affaire à des romans qui pouvait passer pour de la littérature jeunesse, non. C'est que les aventures de Mèmed le Mince sont lues par tous, jeunes et moins jeunes, et même à l'extérieur de la Turquie.

Cette évolution paraît également chez son personnage : Mèmed s'est fait blesser, il envisage la mort et commence à la craindre. Bref, il prend de la maturité. Une fois guéri, le jeune turc ne veut plus de cette vie de brigandage, de hors-la-loi. Il ne désire qu'une chose : retrouver Seyran, se retirer avec elle au bord de la mer, dans une petite maison entourée d'orangers… Mais l'appel de la montagne et du maquisat est plus forte. Et il doit venir en aide à ses anciens amis, prisonniers ou vivant encore sous le joug. Il doit donc sortir de l'ombre une nouvelle fois. Une dernière fois, Kemal espère-t-il. Après tout, n'a-t-il pas essayé à deux reprises déjà faire disparaître son populaire personnage ? Assurément, il n'y est pas parvenu. Un quatrième tome de ses aventures a été écrit et vous pouvez être certain que je le lirai.
Commenter  J’apprécie          392



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}