AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


À chaque nouvelle lecture des aventures de Bernie Gunther, je suis épaté de constater à quel point son créateur parvient à se renouveler. Aucune des enquêtes de l'ancien flic de la Kriminal Polizei ne ressemble à la précédente. Il faut dire que Philip Kerr fait beaucoup voyager son protagoniste et il lui fait porter de nombreux chapeaux. Cette fois-ci, après des démêlés sur le front est, il travaille au Bureau des crimes de guerres. En 1943, la guerre ne semble pas déboucher en faveur des Allemands, la capitale est régulièrement la cible des avions anglais (d'ailleurs, dès le début, Gunther est rescapé d'un immeuble soufflé), les denrées se font rares et l'on entend des rumeurs inquiétantes sur la contre-attaque russe malgré la propagande nazie qui continue à faire miroiter une victoire décisive.

Les ombres de Katyn s'ouvrent sur ces prémisses mais il faut attendre un bon moment avant que l'action s'enclenche. Gunther reste insensible à la propagande, lucide comme toujours. Il essaie de faire le peu qui est en son pouvoir, comme aider une famille juive. Aussi, il est mêlé indirectement à un complot contre Adolf Hitler. Évidemment, ces événements ne sont pas anodins, ils auront leur rôle à jouer dans le reste de l'intrigue. Et quelle est-elle ? Les Allemands découvrent un charnier dans la Russie occupée, près de Smolensk ; des milliers d'officiers polonais y auraient été assassinés puis empilés dans des fosses communes. Cette information, si elle s'avère, pourrait semer le doute et la zizanie entre les alliés. Après tout, le régime nazi ne se présentait-il pas comme le défenseur de l'Europe contre les soviétiques barbares et dangereux ? Cette fosse pourrait faire tourner l'opinion internationale en leur faveur. Évidemment, aucun des dirigeants n'est sensible à l'ironie qu'eux-mêmes massacrent autant de juifs. Ironie que Bernie Gunther se fera un plaisir de rappeler à quelques uns d'entre eux.

Évidemment, ce Gunther est une des raisons pour lesquelles chaque tome de cette série culte trouve sa place parmi mes lectures préférées. Son franc-parler, son sens de l'honneur et de la droiture, du travail bien fait… toute sa personne en fait un héros malgré lui, même s'il serait en désaccord avec ce qualificatif. Après avoir été policier, détective privé, commissaire, absorbé par la SS, espion, cette nouvelle fonction au Bureau des crimes de guerre lui convient tout à fait. Rien de tel pour quelqu'un constamment poursuivi par les ennuis. Après tout, on est en zone occupée, on doute de l'honnêteté de quelques Russes qui semblent collaborer, des agents du NKVD rôdent encore dans les environs, sans oublier les rivalités entre les officiers allemands… Par moment, ce roman ressemble à un thriller. Et des ennuis, il y en a beaucoup à Katyn, dont quelques meurtres qui viendront brouiller les cartes et que Gunther devra démêler.

Ce roman propose donc une aventure originale, ancrée dans l'histoire, la vraie. le massacre de Katyn a bel et bien eu lieu, les Russes y ayant assassiné 4000 officiers Polonais (et davantage ailleurs). Philip Kerr continue à nous tenir informés via des intrigues finement entremêlées. Il sait aussi installer une atmosphère. le château de Katyn, confortable, la forêt qui l'entoure, mystérieuse, marécageuse, qui se transforme en bourbier au fur et à mesure que le printemps progresse et que les moustiques viennent déranger le travail des enquêteurs. La ville tout près, remplie de Russes dont on se méfie à chaque instant mais dont on a besoin. Ceci dit, plusieurs sont sympathiques, comme ce bon vieux docteur Batov. Aussi, il y a la base allemande et tous ces officiers, dont un bon nombre sont issus de l'aristocratie allemande. C'est fou comment beaucoup sont liés entre eux, à différents degré – presque consanguins –, sont les descendants d'untel ou de tel autre. C'est comme une petite clique à l'intérieur d'une grande clique, et qui fonctionne selon ses codes, ses valeurs… du moins, la plupart du temps.

Bref, un roman fascinant ! Avec ses 661 pages (en format de poche), il peut paraitre imposant mais je ne me suis jamais ennuyé pendant ma lecture.
Commenter  J’apprécie          592



Ont apprécié cette critique (56)voir plus




{* *}