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Critique de Annezzo


Que voilà un titre bien balancé. Paf, impact, voix off métallique, on y est.
Mais on y arrive tout doucement.

Comme le montre la couverture, nous revoilà avec l'affaire du siècle, l'assassinat de Kennedy dont je suis férue. Cette fois c'est Monsieur Remède un vieux pote, qui a kennedifié ses lectures et m'a prêté celui-là dont je n'avais pas entendu parler.

A propos du style, l'auteur n'est pas à l'aise à l'aise dans le registre sentimental. Ni les descriptions de ce qu'on peut échanger dans un couple, ni les réactions quand on peut légitimement suffoquer de l'injustice des destins, ne colle vraiment. Peut-être a-t-il voulu faire sec comme un coup de trique, ce qui est assez réussi dans le déroulement de l'histoire par ailleurs, mais là, ya pêché du contraire de la gourmandise, pêché d'austérité dirait-on ? Ce qui enlève de la chair à l'histoire.
L'auteur a aussi pêché par name dropping. On a droit à tous les noms et années des modèles de voiture, des morceaux de jazz, des émissions télé, des bars, resto et scènes, et puis tous les itinéraires des-dites voitures, le nom de chaque rue de chaque boulevard. Ça peut être intéressant quand on se fait une balade dans Miami en se prenant pour un mafieux ou un tueur des années 60, il n'y a plus qu'à suivre le guide - idem pour Cuba, et un peu pou New York. Ou quand on veut se faire une petite discothèque de référence, ou si on est fan de belles bagnoles… mais ça reste un peu exagéré.

Par contre, section compliment, on assiste à une très belle plongée dans le Milieu, la mafia, le Outfit, la pègre, la Mob comme on dit en anglais (que le traduction I.A. appelle "la foule", ce qui donne des trucs assez marrants quand on a la flemme de lire des textes en anglais).
Nous sommes au début avant que Cuba ne soit repris par Castro. Et avant que le jeune Kennedy dit "Jack le Matelas", l'homme qui couche comme il respire, ne soit élu président. En gros, on embarque vers 1958, et on se poursuit jusqu'à vous verrez bien.

Et il s'en passe, des choses. Á Cuba oui, et en répercussion, dans le milieu du Milieu. Les Santo Trafficante, Johnny Rosselli, les Sam "Momo" Giancana ou les Meyer Lanski sont là avec leurs petits tracas. Il manque Carlos Marcello et Jimmy Hoffa pour compléter le tableau, évoqués seulement, mais sinon, ils sont venus ils sont tous là, même ceux du sud de l'Italie.
Et ils sont bien embêtés, les pôvres : Fidel leur a piqué leur pognon. Oh c'est triste, ils avaient tellement investi dans ce paradis des casinos, de la prostitution, des chantages et de la corruption du temps de Battista le dictateur cubain, et paf : Fidel leur fait un enfant dans le dos. En colle même certains en prison, après leur avoir promis un petit temps pour se refaire.
Alors comme ça bêtement, ils lui en veulent.
Et en plus, déjà que leur petit coeur est chaviré par la trahison de Fidel le mal nommé, voilà pas que les fils Kennedy leur font des croche-pattes trop trop injustes : leur père, l'ultra-filou Joe Kennedy, avait arrosé ces messieurs pour qu'ils fassent gagner John Fitzgerald - dans l'Illinois notamment. Genre si le fiston est élu, il leur en saura gré et les laissera tranquilles. Or, ce têtu de Bobby le très catholique, sans doute pas au courant des petits arrangements de son père, s'acharne à les faire tomber façon Al Capone, c'est à dire par la bande, les transactions les pots-de-vin les impôts les détournements… Il n'y va pas de main morte, ne lâche rien, se fait plein de petits amis paaaas du tout rancuniers, juste un peu susceptibles, vous connaissez les Italiens…
A côté de ça, du côté de la CIA, on n'apprécie guère Castro non plus. On aiguise les baïonnettes, on affûte les haches, on nettoie les canons des fusils, on engage des troupes de Cubains lésés par le changement de régime et on les entraine, bref, ça se prépare sec pour reprendre au méchant communiste ce qu'il a osé voler aux riches Américains qui aimaient s'amuser sous les tropiques. La chasse aux sorcières, aux cocos, est encore dans tous les esprits.
Petite fistouille du candidat Kennedy durant sa campagne contre Nixon le Républicain, qui est encore pour quelques mois le vice-président d'Eisenhower : Jack le Matelas sait que Ike le prèz et Dickie son vice préparent des attaques contre Castro et s'apprêtent à envahir l'île pour "délivrer" le peuple cubain (ne riez pas, Putìn a fait la même erreur, pensant que ses soldats de la délivration allaient être accueillis à bras ouverts). Sauf que évidement, ils doivent garder le secret là-dessus, pour faire la surprise à Fidel Castro. Si Nixon est élu, ça sera fait dans les semaines qui suivront. Sachant ça, ce filou de Kennedy déclare très ouvertement que "contrairement aux Républicains de Eisenhower et Nixon qui ne lèvent pas le petit doigt contre Castro, nous allons intervenir sévèrement à Cuba" - et Nixon ne pouvait pas démentir… Bon c'est pas dans le livre, j'étale ma science mais j'adore ce petit coup de billard très mignon.

Voilà, on louvoie dans cette ambiance dans le livre, les interactions entre groupes d'influence, les ricanements de Castro, les saloperies de la CIA et les pratiques poétiques de la Mob. En suivant Tom, un tueur à gage laconique.

A peu près tout est vrai, même le gars qui avait rempli sa voiture de dynamite. Même le produit hallucinatoire conçu par la CIA. What else. Les frasques sexuelles de Jack, et les tracas qu'il cause ainsi à ses gardes du corps, c'est peu de le dire. Les écoutes du FBI bien entendu, mais pas que : Marilyn pour ne parler que d'elle, était écoutée par une quantité gastronomique de gens, y compris son ex et toujours amoureux Jo di Maggio. Son appartement était une usine à micros. D'ailleurs vous ne devinerez jamais qui avait aussi posé des micros chez elle... Allez, réponse en fin de texte, oui on joue on est comme ça on est fou.
Tout est vrai sauf, bien sûr, le personnage de Tom (et celui de Nimmo), ainsi que le déroulement de l'intrigue propre au roman. Quoi que, on n'en sait rien, ça s'est peut-être passé…

Parce que si j'ai des réserves sur le style et l'analyse psychologique des sentiments amoureux, et le name dropping,
je n'en ai pas sur ce scénario que je n'avais pas vu venir. Chapeau Mister Kerr, fine idée.

Et j'ai beaucoup apprécié le quotidien de nos mafieux, qui passent presque pour des êtres humains. On prend le thé avec eux, on fait preuve d'humour, et de tempérance parfois, et même d'intelligence, car on réfléchit très vite aux conséquences de certains actes et on s'organise en conséquence.
Mais on découvre leurs moments de doute et même de trouille, quand les choses vous dépassent.
Puis de gourmandise, quand les choses se tassent…
Ah vraiment, si rien ne semble sauver la CIA (à mes yeux en tous cas), côté mafieux, ma foi, voilà une belle dédiabolisation…

Tiens, dernier tout petit détail, je ramène ma fraise avec mon master en kennedophilie, entrevoyant ainsi une suite à ce livre… Tom notre camarade le tueur, change de voiture et achète une Rambler break (Station wagon Rambler, en anglais), on doit être en 1960.
C'est trois ans plus tard, le 22 novembre 1963, que JFK est tué par un, deux, trois tireurs sur Dealey Plaza, Dallas. Et quelques témoins ce jour-là ont aperçu, après les tirs, Oswald et/ou quelques hommes armés, se glissant dans une Station wagon Rambler qui démarre promptement. Dans le livre rien de tout ça n'est évoqué, c'est juste une voiture que le gars achète, la marque n'est citée qu'une seule fois, et on n'en parle plus.
Mais l'auteur semble tellement renseigné sur les voitures, notamment, qu'il n'a peut-être pas choisi la Rambler break par hasard. Hé hé… C'est même, en une simple marque de voiture citée, déjà une suite qu'il n'a même plus besoin d'écrire. Trop fort.

Quant à la réponse de l'énigme des écoutes : c'est Marilyn elle-même qui s'espionnait, voulant sans doute garder des traces de ses discussions et autres bons moments partagés, ou bien, comme elle se gavait de médicaments, voulait-elle réécouter ce qu'elle avait bien pu faire la veille…
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