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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Challenge ABC 2016-2017

Dieu n'habite pas La Havane, et dans ce roman, il n'habite pas non plus la plume de Yasmina Khadra. Ou alors c'est moi qui n'ai pas la foi, n'ayant pas pu croire à cette histoire.
Pourtant, pas de doute, Y. Khadra est allé à Cuba, et a dû avoir un gros coup de coeur pour La Havane, son ambiance et sa musique (et peut-être aussi pour une belle jeune femme rousse qu'il aurait croisé au détour d'une rue de Habana Vieja). Mais malheureusement, il n'est pas parvenu à me transmettre le béguin qu'il ressent pour cette île au travers de son roman.
Juan del Monte Jonava, alias Don Fuego, malgré sa soixantaine approchante, fait toujours les beaux jours, ou plutôt les belles nuits du Buena Vista Café, qu'il embrase tous les soirs au son de sa voix incandescante. Jusqu'au jour où le castrisme se met à ramper devant le capitalisme, qui rachète le Buena Vista à l'Etat cubain, virant au passage le personnel inutile. Chômage pour Don Fuego, qui chute lourdement de son piédestal et sombre dans un désenchantement apathique. le vieux phénix renaîtra cependant de ses cendres grâce à Mayensi, improbable jeune femme fantasque et mystérieuse, sublime évidemment, de presque 40 ans sa cadette. Un festival d'amour et de passion, de drames et d'énigmes, qui cèderont peu à peu la place aux réponses et à la sagesse.
Je n'ai pas cru à cette bluette qui flirte bizarrement avec une histoire de crimes en série, sur fond de musique et de plages cubaines. Les péripéties sont rocambolesques, pour ne pas dire invraisemblables, et les personnages principaux ne sont pas attachants. Ni Mayensi, étrange jeune femme pleine de contradictions, tourmentée à l'excès, ni Don Fuego, insupportable vieux beau fanfaron égoïste (« Son geste meurtrier est une trahison. Elle a ruiné mon âme, mes rêves et nos projets »), qui pleurniche sur son sort pendant une bonne partie du roman. Quant aux personnages secondaires, ils sont plutôt stéréotypés. Trop de thèmes sont effleurés sans être approfondis : capitalisme vs castrisme, relations parents/enfants, hommes/femmes, pauvreté, condition des femmes, vieillesse et jeunesse toutes deux désabusées mais pour des raisons différentes. Une impression de superficialité, y compris pour les descriptions de la vie festive et du contexte cubains, un peu caricaturales. le style est un peu trop grandiloquent ou exalté, le récit est émaillé d'une collection d'aphorismes et de bons sentiments qui feraient passer le bouquin pour un guide de développement personnel. Les dialogues sont parfois trop travaillés, et ne collent ni aux personnages ni à un langage « parlé » (exemple : « - C'est quoi, un rêve ? - Un vieux de la vieille m'a certifié que le rêve est l'enfant prodigue de l'adversité. - Il a dû oublier de te signaler combien le réveil est douloureux. - Seulement pour ceux dont l'espoir s'est assoupi. - le mien a rendu l'âme. - Ne dis pas ça. Tu es jeune, belle et en bonne santé. - J'ignorais que tu m'avais auscultée ». Mais qui donc s'exprime oralement et quotidiennement avec un tel étalage de vocabulaire?). Ca sonne creux, ça sonne faux, c'est un peu cliché, prétentieux, maladroit : « ... car il n'est de plus grand honneur que celui de semer la joie dans le coeur des gens et la vie là où elle fait grise mine. Voir les paysans, ces oubliés des dieux, redécouvrir la fête l'espace d'un soir est sans doute le plus gratifiant des privilèges. Les petites gens n'ont pas besoin d'exhiber des briquets pour cadencer nos chansons ». Diantre, comme si la vie des paysans cubains (« petites gens »?!) était nécessairement sinistre, ou en tout cas plus que celle des habitants des villes surpeuplées ? Comme si un concert d'anciennes gloires était forcément pour eux le seul moyen de s'amuser, une aumône magnanime aussi rare que la comète de Halley, un éclair de lumière dans leur existence de ténèbres ?
Bref, deux étoiles seulement. le livre n'est pas mauvais, mais il est très décevant quand on a déjà lu du Khadra. J'avais le souvenir, dans « L'attentat » et « Ce que le jour doit à la nuit », d'une écriture bien plus belle, ample, avec du souffle, taillée dans une autre dimension.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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