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Critique de Fattorius


Un certain regard sur l'Iran: voilà ce que l'écrivain iranien Hafez Khiyadi propose au lectorat francophone dans "Une cerise pour couper le jeûne", son premier recueil de nouvelles traduit en français. Il y a de quoi dépeindre un petit monde, et l'auteur a disposé ces sept récits de manière à construire une certaine gradation dans l'ambiance.

C'est que si la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil, recèle un ton presque badin, les textes qui suivent arborent peu à peu un style plus sérieux, plus grave. "Une cerise pour couper le jeûne" est une nouvelle à chute qui, sous une structure assez classique, donne au lecteur l'occasion de découvrir l'univers de l'auteur: un certain islam bien présent dans l'existence de ses personnages, et des défis entre ces derniers sur fond de ramadan: tiendra, tiendra pas? Mettant en scène des enfants, l'auteur a l'adresse de les faire parler de manière naturelle, au gré de constructions segmentées qui soulignent, à traits fins, le caractère oral du récit.

Ce discours naturel fait écho à la place naturelle que l'islam prend dans le récit. Force est de constater que la religion est omniprésente dans ce recueil, même si cette présence n'a pas la lourdeur qu'un Jouhandeau donne au christianisme dans Prudence Hautechaume. le jeûne, les habitudes vestimentaires, le djihad, le fanatisme même, sont présentées comme allant de soi; cela va jusqu'aux moments où le récit côtoie la mort, formant la constellation d'un islam heureux ou, à défaut, consensuellement accepté. Quitte à utiliser l'humour pour conjurer ce qui ne convient pas.

Au fil des nouvelles, le recueil bascule dans la gravité, résolument, après quelques textes non dépourvus d'une certaine légèreté qui sont les marches d'une gradation. "Comment ils font, eux, pour pleurer?" constitue un tableau de la vie iranienne hésitant entre la lourdeur du devoir religieux et les bons mots échangés par ceux qui l'accomplissent. Plus loin, on s'en va à la guerre, sans que le lecteur (ni le narrateur) n'en sache les tenants et les aboutissants; la mort concerne directement les narrateurs des nouvelles "Une longue colonne de fourmis" et "L'homme dont la tombe était perdue". Une mort accompagnée du caractère dérisoire de certains ultimes ressentis.

L'unité du recueil est assurée par une gestion de l'incertitude de la part de l'auteur: celui-ci met en scène des personnages qui portent tous des noms similaires voire identiques d'une nouvelle à l'autre, sans affirmer catégoriquement qu'il s'agit toujours du même univers. Les narrateurs eux-mêmes paraissent à la fois divers et identiques. Astucieux, ce procédé donne au lecteur l'impression d'explorer un univers restreint, toujours identique donc familier - une impression renforcée par le retour de certains arguments, liés par exemple à la scolarisation, et de prénoms, toujours les mêmes: faut-il leur donner le même visage d'une nouvelle à l'autre?

Gradation et récurrence sont donc les éléments qui façonnent la cohésion de "Une cerise pour couper le jeûne". Partant d'un sujet pour arriver parfois à tout autre chose, pratiquement à la manière d'un coq-à-l'âne, chacune des nouvelles est un tableau du monde islamique iranien. le recueil laisse au lecteur une impression où domine la gravité, mais d'où un certain sourire n'est pas absent - cela, dans un univers littéraire peu exploré.
Lien : http://fattorius.over-blog.c..
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