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Critique de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
Kierkegaard a publié « Ou bien… ou bien » sous pseudonyme en prétendant avoir trouvé le manuscrit caché dans un vieux meuble et écrit par deux personnes différentes, deux amis aux noms inconnus, soit : « A » un séducteur et « B », un homme marié.
Il pourrait y avoir deux manières de lire ce livre. Ou bien discursivement : D'abord la première partie où s'exprime A et sa vision esthétique de la vie, ensuite la seconde (composée de deux longues lettres de B adressées à A), qui prend le contrepied en donnant une vision éthique. Ou bien en lisant alternativement les deux parties. Il me semble qu'on en viendrait à des conclusions différentes sur la pensée de Kierkegaard.
Si, à la manière habituelle d'aborder un livre, on le lit discursivement, et à moins d'être de mauvaise foi ou de parti-pris, on ne peut être que convaincu par l'argumentaire de B. Tout simplement parce que A ne fait que poser la thèse esthétique et s'il ne nie pas le côté éthique de la vie, il considère que la morale ne le concerne pas, donc il ne cherche pas à la nier, mais il affecte tout simplement de ne pas la prendre en compte. Il vit en esthète, c'est-à-dire que ses écrits sont en grande partie consacrés à l'art, à l'opéra, au théâtre. Ce ne sont pas des critiques à proprement parler, mais des divagations philosophiques sur des personnages caractéristiques. le Don Giovanni de Mozart, le séducteur invétéré, est la figure tutélaire de cette première partie, c'est en lui que se reconnait A. Mais, en bon séducteur, il ne s'intéresse pas tant à Don Juan, à lui-même, qu'aux femmes en général et aux jeunes filles séduites en particulier. L'une d'elle est Emmeline, le personnage féminin d'une comédie de Scribe : « Les premières amours ». Et c'est justement sur les premières amours que se fait le lien entre la première partie de A et la seconde partie de B.
A considère que le premier amour est le seul qui est vraiment beau et qu'au-delà de six mois la beauté de cet amour absolu disparait avec l'apparition du devoir et de la contrainte. B est en partie d'accord sur ce point, le premier amour est beau, mais il pense qu'il n'y a pas de premier amour, de deuxième amour, de troisième amour, etc. Il n'y a qu'un amour il faut l'entretenir et il convient à chacun d'en perpétuer la valeur esthétique dans le mariage. Il pense que le devoir dans le mariage ne tue pas l'amour mais qu'il est l'amour même.
Et c'est dans la deuxième lettre de B, intitulée « La formation de la personnalité », que l'on est confronté réellement au sujet philosophique de ce livre : le choix. le choix, ou autrement dit : éliminer des possibilités. le choix n'est pas une contrainte qu'on s'impose, un carcan, mais c'est au contraire l'affirmation de sa liberté, de sa volonté, c'est devenir soi-même. B prétend qu'il n'y a pas à choisir entre une vie esthétique hors mariage et une vie éthique d'homme marié car une vie esthétique est justement un non-choix. Et la vie éthique, qui est celle du choix et donc du devoir, est également la voie de la liberté et contient la beauté.
Kierkegaard a écrit « Ou bien… ou bien » alors que la dialectique hégélienne et l'art romantique se rependaient en Europe, ce qu'il considérait comme deux aspects de la vie esthétique ayant la prétention de se passer de l'éthique chrétienne. D'autre part, après avoir rompu ses fiançailles avec son premier amour Régine Olsen, il ne se maria jamais. Concrètement, il ne fut jamais un esthéticien ou un éthicien pur et dur et ce livre ressemble bien plus à un grave examen de conscience, sans concession, qu'à une réelle prise de position.
Pour résumer :
Ou bien l'esthétique, la séduction, l'extériorité, la multiplicité, le désir, le rire, la tragi-comédie, la nécessité, le doute, la contradiction.
Ou bien l'éthique, le mariage, l'intériorité, l'unité, la volonté, le sérieux, le drame, la liberté, la foi, la tautologie.
Ou bien l'amour, ou bien l'amour.
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