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Critique de Kirzy


Kirzy
15 février 2024
Shinji Wakatsuki travaille au département du déblocage des fonds d'assurance vie d'une agence d'assurance de Kyoto. Il compulse des piles de formulaires de décès pour éventuellement débusquer des fraudes. Un jour, il se rend chez un client, Shigenori Komoda, qui a été très vague sur les raisons de son invitation. Ils entrent ensemble dans la maison, Komoda appelle son fils qui doit être rentré et ils tombent sur le corps pendu de l'enfant.

«  Wakatsuki tourna la tête et croisa son regard. Sur le visage jusqu'alors dénué d'expression de l'homme, la surprise s'affiche un instant, en même temps qu'il détournait brusquement les yeux. le malaise paralysant qu'éprouvait Wakatsuki fit place à la sidération.
L'homme ne regardait pas l'enfant.
Devant le corps de son propre fils, il se contenait de le regarder lui, pour épier ses réactions. Il n'y avait pas la moindre parcelle d'émotion à lire sur son visage.(...) On aurait dit que le temps s'était scindé en deux branches. D'un côté, Komoda, qui continuait de jouer une pièce de théâtre dans un monde inchangé, de l'autre l9'enfant, figé dans l'éternité. »

Choqué, Wakatsuki ne parvient pas à se sortir de la tête ( et nous non plus ) que la réaction du père face au suicide de son fils n'est pas « normale », d'autant que Komoda harcèle l'agence pour recevoir le montant de l'assurance vie qu'il avait souscrite au nom de son fils.

A partir de là, on se retrouve plonger dans ce que la psyché humaine a de plus sombre, accompagnant Wakatsuki dans le terrible engrenage dans lequel il se trouve piégé. Il y a des moments de terreur pure qui s'infiltre dans la tête du lecteur et hérisse ses poils. Les cauchemars récurrents du héros sont d'une rare puissance évocatrice, étirant le temps en quelques phrases effrayantes, avec une folie à la Horla qui monte crescendo tant Wakatsuki perd pied, obsédé par la conviction qu'il s'agit d'un meurtre maquillé en suicide, hanté par un drame intime qui resurgit de son enfance.

La Maison noire est en fait le premier roman de Yusuke Kishi, publié à rebours en France après le succès de la Leçon du mal. J'ai adoré ce dernier, du thriller jubilatoirement brutal et cynique, et j'ai trouvé La Maison noire réussi mais moins abouti. Disons qu'au mitan, il y a des faux- plats un poil bavards - et donc longuets - sur la psychopathie. Surtout, on devine assez vite les coutures avec des révélations qui arrivent à mon sens un peu trop tôt dans le récit. Autre bémol, l'épilogue est un peu facile.

Il n'empêche que ce roman m'a plu car l'auteur ose s'aventurer dans l'horrifique en assumant un final gore très visuel, à la limite du grotesque, vraiment très fort. Et puis, ce portrait sans concession de la société nippone interpelle. Nous sommes dans les années 1990, peu de temps après l'éclatement de la bulle financière spéculative. le Japon décrit est peu reluisant, en proie à une crise de moralité qui renverserait les valeurs traditionnelles.

Finalement, cette épidémie d'arnaques à l'assurance ou au frais d'hospitalisation, plus ou moins contrôlée par les yakuzas, glace presque plus que les épreuves singulières du héros, avec des individus prêts à tout par cupidité. Décidément, le vénéneux est partout dans ce roman.



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