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Critique de hcdahlem


«Sans vers de terre, plus de terre»

Gaspard Koenig, au meilleur de sa forme, nous offre une satire des milieux économiques et écologiques en imaginant deux ingénieurs agronomes désireux de sauver la planète. Mais Arthur et Kevin vont avoir bien de la peine à réussir dans une France éco-anxieuse. La terre n'a pas fini de souffrir.

Marcel Combe a trouvé en Arthur et Kevin deux étudiants passionnés par son cours sur le ver de terre, qu'il trouve plus précis d'appeler lombricus terrestris. Cet inépuisable retourneur de terre pourrait bien être le sauveur de l'humanité. Comme leur professeur, ils sont persuadés que «le productivisme agro-industriel avait ruiné la fertilité naturelle ; et l'humanité était parvenue à détruire en quelques décennies le subtil équilibre obtenu par des millions d'années d'évolution biologique.» Ce que le scientifique résumait de cette formule: «Sans vers de terre, plus de terre.»
Impressionnés par leur nouveau savoir, les deux garçons vont se lier d'amitié et décider de leur consacrer toute leur vie. Mais pas du tout de la même manière. Après leurs années d'études à AgroTech Paris-Saclay et à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, l'INRAE, les deux ingénieurs agronomes vont voir leurs chemins se séparer, même si tous deux croient en la terre pour sauver la planète.
Arthur, le fils d'avocat parisien, choisit de partir avec Anne s'installer dans le bocage normand. Il avait rencontré cette «brune au corps débordant, avec une bouille ronde et jolie qu'elle s'efforçait maladroitement de profaner (..) prête à tout pour s'encanailler et qui professait l'anticapitalisme» lorsqu'elle était étudiait à Sciences-Po. Avec son écolo-rebelle, il va faire la dure expérience du passage de la théorie à la pratique dans des sols brûlés par des années d'épandage de pesticides en tous genres. Car les néo-ruraux sont déterminés à mettre en oeuvre une agriculture raisonnée, avec des techniques qui n'appauvrissent pas la terre et, bien sûr, sans chimie. En s'inspirant du cours de Combes, il va commencer par chercher les vers de terre dans le sol, à partir d'un mètre carré de test. Mais le résultat de sa «régénération lombricienne» est bien décevant. le voilà contraint d'essayer autre chose. Il ensemence sa prairie. Mais loin de lui l'idée de demander conseil aux agriculteurs locaux, considérés comme héritiers de pratiques qui ont conduit au désastre écologique. le productivisme, très peu pour lui. Peut-être que la petite épicerie bio de Laurent et Maria pourrait lui offrir un modèle, ayant finalement réussi à perdurer avec son idéal de décroissance. Anne semble du reste séduite par leurs idées et rêve de faire de leur propriété un modèle autosuffisant.
Kevin, quant à lui, veut rester à Paris, sans doute pour se prouver qu'un enfant de la classe ouvrière peut réussir. Dans la capitale, lui qui ne veut rien savoir du mariage et préfère les liaisons éphémères, se rêve entrepreneur. Sa start-up va produire des vermicomposteurs design. Il imagine déjà des usines un peu partout en France pour produire des millions de vers de terre capables de digérer des millions de tonnes de déchets. Mais il peine à trouver des capital-risqueurs pour financer ses premiers modèles. Puis il rencontre Philippine, qui s'enthousiasme pour son projet plus que pour ses performances sexuelles. Elle va lever des fonds et offrir à Kevin un poste de directeur dans l'usine qu'elle a réussi à financer, persuadée que malgré son ophiophobie, la théorie darwinienne était juste: «le lombric est l'animal le plus important de l'évolution naturelle». Ensemble, ils vont réussir à lever des fonds dans la Silicon Valley.
Gaspard Koenig a su trouver le ton idéal pour ce roman, entre idéalisme et dérèglement climatique, entre défense de la biodiversité et capitalisme conquérant. La satire convient parfaitement aux grandes envolées lyriques de ces deux héros imaginant ne pas se laisser entraîner dans l'éco-anxiété ambiante mais bien décidés à sauver la planète. Eux viendront démontrer, chacun à sa place, qu'il n'est pas trop tard ! Mais loin du manifeste écolo, l'auteur montre bien les paradoxes de cette transition écologique plus rêvée que concrètement mise en oeuvre. Roman d'une génération inquiète, Humus esquisse des réponses, mais livre surtout un constat : il est vraiment temps d'agir !


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