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Critique de Luniver


Cet ouvrage comporte deux réflexions sur la peine capitale : l'une d'Arthur Koestler sur la situation en Angleterre, et l'autre d'Albert Camus en France.

Arthur Koestler expose tout d'abord les particularités de la loi anglaise : pour un nombre élevé de crimes (allant des meurtres au simple vol de marchandise), les seuls choix possibles pour un jury sont l'acquittement pur et simple ou la condamnation à mort. Cette situation peut s'expliquer par plusieurs circonstances. Tout d'abord, la loi anglaise ne reconnaît pas encore les circonstances atténuantes. S'il est parfois possible de déclarer un homme "dément" et donc irresponsable de ses actes, les conditions à respecter sont contraignantes : tout est comparé au comportement supposé d'un "homme moyen" purement abstrait, sans tenir compte de la situation et des particularités de l'accusé.

L'Angleterre a été également victime du phénomène "un fait divers, une loi" : opposée au port d'arme de ses policiers, elle a préférer durcir sans cesse les peines et en élargissant la catégorie des délits et crimes sanctionnés par la peine capitale pour faire régner l'ordre. Ce choix a des conséquences paradoxales : des pétitions pour un allègement de peine sont signées par les personnes que la loi était sensée défendre : en effet, les jurys préféraient acquitter un accusé plutôt que de l'envoyer à mort pour une faute jugée trop faible pour mériter un pareil châtiment.

L'auteur reprend ensuite les principaux arguments des défenseurs de la peine capitale, et fait un parallèle intéressant avec les procès à l'encontre d'animaux. Tous les arguments qui paraissent cruels ou insensés quand on les applique aux animaux le sont beaucoup moins quand ils s'appliquent aux hommes, sensés être toujours parfaitement maître de leurs actes. L'essai s'achève sur une discussion entre le déterminisme (les actes commis sont des résultats directs et inévitables de l'éducation et du milieu social) et le libre arbitre des accusés.

Si Arthur Koestler reste assez théorique dans ses propos, Albert Camus place directement le lecteur en face de la réalité crue. Il prend d'entrée l'exemple de son père, qui assiste pour la première fois de sa vie à une exécution d'un meurtrier, peine qu'il approuvait, et qui en revient bouleversé et nauséeux. le caractère «propre, rapide et indolore» de la guillotine est remis en question.

Un des principaux arguments en faveur de la peine de mort est l'exemple donné au public : quelqu'un qui assiste à une exécution sera dissuadé de commettre les mêmes actes que le condamné. Outre que l'argument ne tient pas devant les chiffres (les pays qui ont abolis la peine de mort enregistre une stabilisation ou une diminution des crimes, et la majorité des condamnés à mort a déjà assisté à une exécution), il pose un dilemme : pour être le plus efficace possible, l'exécution devrait se faire en place publique, devant une foule nombreuse, avec l'appui des journaux et de la télévision pour diffuser l'évènement. Difficile d'accepter l'idée de cette exhibition morbide sans être mal à l'aise. D'autre part, si tout se passe dans l'ombre d'une prison, décrit par un laconique "X a payé sa dette à la société", où se trouve l'exemplarité ?

D'autres arguments sont avancés : l'incapacité de déterminer qu'un homme est définitivement irrattrapable, le droit de la société à se donner un tel pouvoir («affirmer en tout cas qu'un homme doit être absolument retranché de la société parce qu'il est absolument mauvais revient à dire que celle-ci est absolument bonne»), et la valeur accordée à une vie humaine : certains défenseurs de la peine de mort admettent qu'elle n'a peut-être pas d'effet positif sur le taux de criminalité, mais qu'en tout cas, ça ne peut pas faire de tort.

Les deux essais m'ont paru convaincants (même si j'étais déjà convaincu avant la lecture). le seul défaut qu'on peut leur trouver, c'est que ces deux livres ont été écrits pour l'abolition de la peine de mort dans des contextes particuliers (en France et en Angleterre) : si on considère le problème en général, il y a donc des arguments qui ne sont pas forcément pertinants, et d'autres en faveur de la peine de mort qui ne sont pas combattus.
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