AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Rickola


C'est toujours compliqué de parler des recueils d'histoires courtes. Il n'y a pas vraiment de façon plus pertinente qu'une autre de les aborder selon moi. Est-ce mieux de traiter de chaque histoire ? de prendre le recueil comme un tout ? D'essayer de dégager des thématiques différentes ou communes ? Je pense que ça dépend de la sensibilité de chacun, mais aussi de la nature des recueils. Fossiles de rêves compile l'intégralité des travaux courts de Satoshi Kon, parus entre 1984 et 1989, soit sur 5 ans de la carrière éclair de mangaka de l'auteur. Au total, ce sont 15 histoires que compte ce recueil de plus de 400 pages, qui coûte 22 €, un prix clairement décent compte tenu de la qualité éditoriale, dans la droite lignée de ce que propose la collection, avec un grand format du plus bel effet, des pages épaisses et une impression de qualité (et quelques pages couleurs).

La quantité d'histoires différentes fait que j'ai tout de suite abandonné l'idée des les aborder une par une. Ce serait pertinent cependant, compte tenu de la diversité de styles investis. Car on trouve vraiment de tout, du récit SF d'anticipation à la mini fresque historique, en passant par une histoire de Noël proche du conte, un récit de maison hantée et plusieurs chroniques adolescentes. Ces oeuvres de jeunesse portent d'ailleurs clairement cet aspect « jeune », avec une récurrence des figures adolescentes ou de jeunes adultes.

Cette diversité stylistique dénote une vraie volonté d'explorer des horizons créatifs divers chez Kon, qui a un côté émouvant compte tenu du fait que l'auteur est mort prématurément. Je l'ai signalé dans d'autres articles, il a toujours eu envie de revenir au manga, et voir ces histoires courtes permet de constater qu'il avait des choses en tête qu'il aurait aimé coucher sur le papier. Ainsi, si les recueils d'histoires courtes d'un auteur sont toujours intéressantes à mes yeux pour en apprendre davantage sur l'oeuvre de l'auteur en question, lire un recueil d'un artiste au destin contrarié comme Satoshi Kon a une tonalité supplémentaire.

Cependant, le titre a l'écueil de tous les recueils d'histoires courtes. C'est à dire qu'on aurait aimé en lire certaines au format plus long, pourquoi pas des one shots, certaines sont moins passionnantes que d'autres (et en fonction de nos affinités personnelles, nos préférences pourront différer, mais cette diversité fait qu'on devrait tous y trouver notre compte). Mais on peut noter un vrai sens de l'histoire courte chez l'auteur, qui sait exploiter au mieux le format pour proposer quelquefois des histoires vraiment marquantes en peu de pages. Je pense en particulier à Les Kidnappeurs, Joyfull Bell et Les Prisonniers, mes trois histoires préférées du recueil, dont une qui doit clairement avoir été lue par les Wachowski. D'ailleurs, Les Prisonniers est sûrement le titre qui est le plus reconnaissable concernant le style de Satoshi Kon, transpirant également l'influence d'Otomo. Et en dehors de la maîtrise du format court, on trouve un goût pour les chutes vraiment prononcé chez l'auteur, avec la plupart du temps des conclusions très bien vues dans les différentes histoires, qu'elles soient amusantes, douces ou plus dramatiques.

Ainsi, au fil des récits que l'on picore avec plaisir, on retrouve un esprit très créatif, avec certaines obsessions thématiques (l'adolescence, le rapport entre rêve et réalité…) qui nourrissent notre intérêt pour le titre. La carrière de Satoshi Kon s'étant achevée dramatiquement tôt, avoir des petits os à ronger avec ce recueil fait beaucoup de bien, et permet de créer un lien plus fort avec cette figure d'auteur.

Vous l'aurez peut-être compris, j'ai tenté dans mes différents articles sur les mangas de Satoshi Kon d'aborder son oeuvre selon l'angle auteurisant, essayant de dégager une forme d'unité dans tout ça. J'ai évoqué à chaque fois la mort prématurée de l'auteur ainsi que sa carrière contrariée de mangaka, non pas que ce soient des éléments présents d'emblée dans les titres, mais parce qu'ils ont joué de façon importante sur mon appréhension de son oeuvre. Kon a écrit peu de titres, et au final il n'y a qu'un seul récit au « long » cours qui a n'ait pas été contrarié (Le Pacte de la mer), alors que tous les autres se sont conclus prématurément.

Ainsi, il semblerait que sa carrière d'auteur ait été touché par une certaine forme de fatalité, qui a fini par se répercuter sur sa vie tout court puisqu'il est mort à 47 ans d'un cancer. Ainsi, Fossiles de rêves a apporté pour moi un point final à l'oeuvre de mangaka de Satoshi Kon, et offre une belle conclusion à celle-ci, jusque dans le choix de la dernière histoire qui me fait quitter l'auteur avec une note très sombre, à l'image de cette carrière brillante, mais contrariée. L'oeuvre de Kon demeure au final très faible en volume, mais très riche. Maintenant que j'ai découvert tout ce qu'il avait proposé dans le domaine du manga, il est temps de s'intéresser à l'oeuvre du cinéaste.
Lien : https://apprentiotaku.wordpr..
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}