AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


L'insoutenable légèreté de l'être est un livre que j'ai lu il y a très longtemps, je devais avoir un peu plus de vingt ans. C'était donc une lecture de jeunesse.
J'avais totalement laissé de côté pendant plusieurs années l'écrivain et son oeuvre. Plus tard j'ai dû lire un ou deux autres livres de Milan Kundera et je ne m'en souviens plus. Par contre, L'insoutenable légèreté de l'être est un roman qui est resté gravé dans ma mémoire.
Et puis un voyage à Prague au printemps dernier m'a donné l'occasion de remettre mes pas vers ce récit. Je me souviens d'ailleurs d'une petite librairie très charmante dans un vieux quartier de Prague qui invitait à emprunter un escalier étroit vers un sous-sol mal éclairé où l'on pouvait alors découvrir notamment toutes les éditions traduites en différentes langues de ce très grand livre.
C'est ce voyage qui m'a donné envie de revenir à ce roman, cette fois dans sa version audio, un texte lu par Raphaël Enthoven, philosophe passionné par cet ouvrage.
Le titre étonne, détonne, provoque déjà un peu, avouons-le. J'aime cette idée romantique de la légèreté, cette idée d'apesanteur et des événements de la vie qui provoquent cette légèreté.
Dans ce texte lu, j'ai retrouvé de manière intacte toute l'émotion que le texte initial m'avait procurée et aussi son côté atypique. Son atmosphère, son aspect kitsch certainement, le plaisir mêlé à la violence, l'attachement aux personnages, le fil du destin qui les tire vers nous.
Je me suis mélangé très rapidement à l'histoire de Tomas et de Tereza, de Franz et de Sabina, d'un chien qui s'appelle Karénine, petit clin d'oeil à ce cher Tolstoï en passant...
Ce n'est pas qu'une histoire d'amour ou de chassé-croisé amoureux en fond de dictature. Ce serait trop facile de résumer ainsi cette oeuvre prodigieuse. C'est un livre où l'on ouvre plein de tiroirs lorsqu'on parvient à y entrer. Nous voyons les personnages prendre ou ne pas prendre de décisions qui peuvent avoir une influence totalement fondamentale sur leur vie et celle des leurs.
Le paradoxe, en effet, amène à penser que si la légèreté devient insoutenable, elle devient grave, non pas lourde, mais grave oui, tout simplement grave...
Sans doute ce paradoxe enrichit la narration du récit, au-delà des états d'âme et des relations entre les personnages, par-delà l'histoire qui se construit et qui avance avec ses élans et ses désillusions derrière le paysage du livre. Nous sommes en 1968. C'est le communisme et l'invasion des chars soviétiques dans Prague.
Dès le début du récit, nous voyons ces quatre personnages vivre et s'animer dans ce théâtre d'ombres et de lumières. Il y a tout d'abord Tomas, un chirurgien brillant, séducteur invétéré, qui doute dans le communisme, il a par ailleurs une vie amoureuse totalement dissolue et qui « collectionne » les maîtresses. Arrive Tereza qui débarque dans sa vie, ayant fui sa mère ainsi que son passé, elle devient sa femme, elle est photographe, elle veut lui être fidèle, et s'accroche à lui à toutes forces. Il y a aussi Sabina, maîtresse de Tomas, artiste peintre, totalement libre dans sa pensée et ses actes et enfin, Franz, amant de Sabina, homme qui est droit et qui souffre dans la relation d'adultère qu'il vit.
Tous les quatre voient leur vie basculer au moment de l'invasion russe en Tchécoslovaquie en 1968 et dans les années de délation qui suivirent.
Le roman permet avec beaucoup de justesse, et sur un jeu habile de regards et de sentiments croisés, de poser des mots et des émotions sur ce qui se passe dans le Prague et plus largement la Tchécoslovaquie de 1968 et des années qui vont suivre.
Dans cette grande Histoire qui sera violente pour le peuple tchèque, ici se dessine les destins de celles et ceux qui veulent y prendre part ou s'en échapper. L'infidélité de certains personnages est une forme de transgression jetée comme une provocation à l'ordre établi, qui va trembler, qui va résister tant bien que mal, s'en sortir grâce à des chars russes.
Les chars avancent, nous savons que ces images ont marqué l'histoire et son peuple, il a fallu attendre plus tard pour que celui-ci réaffirme son désir de liberté, son destin, son indépendance totale...
Le clin d'oeil à Tolstoï ne me semble pas anodin. Milan Kundera admire cet auteur qui était très proche du peuple russe.
Ici, ce qu'il faut retenir de cette œuvre ample, c'est que tous les personnages avancent en quête de vérité. Ils ont besoin de s'animer autour de cette quête pour exister, prennent des risques, s'aiment et s'aimer ici devient un acte militant.
L'insoutenable légèreté de l'âme est exprimée, certes, mais que dire des corps qui vont et viennent dans ce roman choral ? Sont-ils légers ou lourds ? Il y a comme une frénésie qui donne envie de faire l'amour dans le chaos d'un monde qui bouge et qui change ?
Derrière la magie d'un titre de livre très beau, je ne sais pas reconnaître quelle est la portée philosophique du message, je retiens une histoire avec des personnages légers, incandescents et d'autres moins légers qui s'imprègnent dans ce paysage d'une histoire forte et douloureuse, l'amour est parfois une manière militante de se tenir debout dans une dictature face à des chars qui avancent dans un boulevard. Je voudrais simplement croire à cette très belle idée, il y a peut-être tant d'amour à distiller sur cette planète pour déboulonner les statuts en fonte et faire déraper les chars dans leurs trajectoires rectilignes.
Commenter  J’apprécie          7717



Ont apprécié cette critique (69)voir plus




{* *}