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Critique de adtraviata


En réalité, la frontière entre les nouvelles et le roman est très mince ici, me semble-t-il. Certes on peut lire chaque histoire séparément, mais un fil rouge parcourt le livre en la personne de Louise, jeune institutrice venue s'établir dans le grand Nord pour enseigner aux enfants inuits. D'autre part, la construction du recueil, son architecture, va clairement dans le sens d'un roman (il paraît que auteur et éditeur ont hésité à classer le livre dans un genre ou l'autre) : treize histoires (j'ai envie de dire chapitres) constituent l'ouvrage et la nouvelle du milieu (la septième), très courte, intitulée La folie, constitue très clairement la clé de voûte de l'ensemble. La folie, c'est ce qui guette, dit-on, les Blancs quand ils restent trop longtemps dans le grand Nord. Et de fait, les six premiers textes présentent des aspects très positifs de la vie là-bas, Louise se passionne pour son métier, ose aller à la rencontre des parents, même ceux jugés réfractaires à l'influence des Blancs, elle apprend la langue, l'inuktitut, elle se fait des amies, « subit » l'humour d'une vieille guérisseuse et a même un petit ami avec qui elle espère s'installer et avoir des enfants. Et puis la solitude et la nostalgie la frappent et les six derniers chapitres vont sur une pente descendante, où Louise voit surtout l'alcool, les cauchemars qui hantent un vieil inuit, l'abandon, la trahison et finalement la décision de repartir dans le Sud.

Cette carte-là, celle de la construction de la narration, c'est une carte gagnante avec moi, c'est ce que j'ai sans doute le plus apprécié dans ce livre, d'autant qu'elle est vraiment au service de l'évolution de son héroïne et de l'aspect presque documentaire que Lucie Lachapelle glisse dans ses histoires : les coutumes inus (comme celle de l'hospitalité qui consiste à ne jamais verrouiller sa porte et à laisser entrer qui veut dans votre maison), le rôle des femmes, la langue, la pêche, le racisme ordinaire entre Blancs et autochtones, la rudesse du climat, la longueur de l'hiver et la banquise qui craque avec l'arrivée du printemps… autant d'aspects passionnants qui nous sont dépeints avec simplicité et authenticité, avec respect et même amour.

Cette simplicité se traduit aussi dans la langue de Lucie Lachapelle, mais ici, je lui ai trouvé une justesse, une élégance naturelle qui montre à quel point elle a encore progressé depuis son premier roman.

Enfin le dernier chapitre dévoile encore des liens supplémentaires entre Louise et ses amis du Nord, tout en montrant aussi le fossé qui les sépare (sera-t-il jamais comblé ?) dans une sorte de bouquet qui relie passé et présent et qui m'a vraiment beaucoup touchée, ajoutant ainsi – avec les quelques dessins en noir et blanc de Jean Kazemirchuk – au plaisir que j'ai eu de lire ce livre. Un vrai coup de coeur !
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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