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Critique de Lazlo23


Seize ans après les derniers coups de feu, que reste-t-il d'une guerre ? Des paysages trompeurs, des mémoires percées, des témoignages douteux... Et puis la vie, la vie qui va au café, qui prend des bains de soleil, qui se tortille devant les juke-boxes et qui, patiemment, semble vouloir effacer toute trace du carnage. C'est ce dont Abel Leclerc fait l'amère expérience, lui le soldat québécois, débarqué en juin 1944 pour délivrer la Normandie de ses ancêtres et qui, à la faveur d'une commémoration, revient sur les lieux que son ami Jacques et lui ont découverts sous les bombes. Le pays qu'il retrouve n'a plus rien à voir avec celui qu'il a connu : sur les plages du débarquement, les vacanciers ont pris la place des cadavres que les crevettes venaient jadis ronger à marée haute et les anciens combattants allemands se font photographier devant leur bunker par des vétérans alliés. Abel lui-même s'avère incapable de retrouver l'endroit où il a débarqué.
Et puis vient la rencontre de Bérengère, jeune femme libre des années soixante, au passé douloureux, qui va le guider dans sa quête. Quête de Jacques, son ami mort dans des circonstances atroces. Quête d'une France qui, comme Bérangère, s'étourdit de plaisir pour tenter de surmonter les rancœurs et les fractures héritées de la guerre. Quête de lui-même, enfin, qui est revenu brisé de la tuerie : « … je suis orphelin, confesse-t-il. Orphelin depuis 45. » Et le miracle s'opère : d'abord « enlisé dans aujourd'hui », Abel parvient (comme au cours d'une analyse) à remonter le passé, à le reconstituer bribe après bribe, jusqu'au traumatisme initial. Bien sûr, tout cela reste fragile, et ces images, souvent d'une rare violence, que le personnage arrache au passé, rien ne nous garantit qu'elles soient exactes : «Ça recommençait le bal des incertitudes ! » s'écrie-t-il d'ailleurs dans les derniers chapitres.
Il n'empêche, c'est un homme apaisé qui repart chez lui, à la fin du roman. Un roman faulknérien magnifiquement écrit, où présent et passé s'interpénètrent en permanence, et où le récit s'organise autour de grandes métaphores, que l'auteur file avec talent comme les leitmotivs d'une symphonie.
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