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Critique de bgbg


bgbg
18 février 2019
Récit historique ou chronique actuelle, ce roman cumule ces deux facettes littéraires, avec ses va-et-vient entre le XVIe siècle et nos jours, relatant des luttes de ces deux époques, différentes bien sûr, mais chacune vouée à des revers historiques et sociaux.
Mourad Basta, dit ‘ammi (mon oncle), est un vieil homme qui vit seul dans les dépendances (la « résidence du personnel ») d'une demeure plusieurs fois centenaire, et de style andalou, proche d'Alger. Mourad est un descendant de Sid Ahmed ben Khalil, alias Galileo el Rojo, un morisque (musulman christianisé après l'accès au pouvoir d'Isabelle la Catholique). Galileo a pris les armes contre les occupants chrétiens, a été battu, puis chassé de l'Espagne andalouse par les tribunaux de l'Inquisition, en 1570. Galileo et son épouse marrane Soltana ont alors fait construire la maison andalouse, sur le modèle d'une demeure de Grenade.
L'ancêtre de Mourad n'a pas seulement légué cette merveille architecturale, il a aussi rédigé un journal continué par ses descendants, constituant un manuscrit précieux rédigé dans une langue secrète, l'aljamiado (langue hispano-romane de l'époque, transcrite dans l'alphabet arabe). La quête de ce manuscrit, perdu et retrouvé en France à la BNF, est l'objet de recherches complexes. Il finit entre les mains de Mourad qui ne veut pas s'en séparer, comme une preuve de sa légitimité comme occupant de la maison andalouse. En effet, le terrain occupé par la maison et son verger est convoité par des entrepreneurs qui veulent y édifier une très haute tour avec habitations et commerces sur un modèle très occidental et très capitaliste.
Abandonné par la quasi totalité des ses héritiers, soutenu par un seul de ses petits fils, Salim, par un journaliste intègre, Youcef, menacé et ciblé par des tueurs, et par Sika, une jeune étudiante, d'ascendance morisque comme lui, Mourad entreprend sa lutte acharnée et perdue d'avance contre la fripouille ambiante et sans scrupules que sont les promoteurs immobiliers véreux soutenus par une administration corrompue et des politiques dévorés par l'ambition.
Ce livre, richement documenté, parfaitement bien construit, jamais ennuyeux, alterne des chapitres d'époques différentes, qui constituent des allers-retours entre les deux périodes du récit, et survole les siècles entre ces périodes avec des occupants de toutes sortes sous les tutelles ottomane puis française, durant laquelle d'ailleurs la maison andalouse devint la première mairie d'Alger.
Surtout ce roman est un plaidoyer plein de subtilité, de nostalgie aussi, pour une société qui intègre toutes ses dimensions historiques et culturelles, dont l'héritage andalou, l'apport des juifs, la contribution française. Cela sans lourdeur, en respectant les codes du roman. C'est aussi un plaidoyer intransigeant, encore que présenté avec habileté, contre les dérives politiques qui touchent l'Algérie, contre le laminage du faible par le fort, contre la recherche effrénée du profit qui ne profite qu'à une minorité, contre la caste bureaucratique souillée, contre le risque islamiste aussi, même si l'auteur appuie peu dessus.
On sent Waciny Laredj enthousiasmé par la rencontre des cultures qu'il promeut, également par la rencontre des générations : se reporter à ce très beau chapitre où des lycéens visitent avec une curiosité détonnante la maison andalouse à l'occasion de la Journée du Patrimoine. Quel espoir pour le futur !
Lien : https://lireecrireediter.ove..
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