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Critique de patricelucquiaud


Eh oui, vous ne rêvez pas, c'est bien le titre du dernier roman d'Erwan Larher...

Ne commencez pas à fantasmer également... respirez un bon coup, reprenez vos esprits, et maintenant commencez sagement à vous représenter ce qu'un tel titre nous promet pour nous entraîner dans une aventure peu ordinaire et pleine d'imprévus dont l'auteur a le secret et surtout la manière talentueuse de nous la faire parcourir.



Incipit :

Marguerite n'aime pas ses fesses.

Elle fronce les sourcils. Ce que le français peut être imprécis, parfois! Ces fesses que Marguerite n'aime pas pourraient être celles de n'importe qui. Si elle écrivait un roman, ce qui ne risque pas d'arriver (elle écrit mal et n'a rien d'intéressant à dire), il ne débuterait pas ainsi . Cette phrase-seuil* sème la confusion. Elle choisirait plutôt un incipit in media res – croit-elle se souvenir, ses cours de construction narrative écaillés par l'inusage. Et puis le français n'incite-t-il pas au coulis narcissique de la première personne du singulier ? Je n'aime pas mes fesses, voilà qui est clair.

* Phrase seuil : mais certainement !...



En ces quelques lignes, si le sujet de l'histoire que l'on attend n'est pas vraiment posé - même sur son séant - on a déjà beaucoup d'indications sur l'ambiance de ce qui va suivre et j'ajouterai même que le ton est donné par l'excellence du propos servi par la tournure et le vocabulaire propre à l'auteur.

Pas besoin de se laisser tirer par la main pour lire la suite... et vous savez-pourquoi braves gens ? Tout simplement parce que l'on a vraiment envie de savoir pourquoi Marguerire n'aime pas ses fesses. Et ça, voyez-vous petits curieux de ce qui relève de l'intimité d'une demoiselle, eh bien ça va vous entraîner loin... car cette histoire a du fondement (mais oui) du relief (pas pour les fesses de Marguerite, vous l'aurez compris) et de la profondeur (sans allusion S.V.P.)



Bon, sortons de cette intro qui nous intrigue et venons-en à l'affaire...

En fait, n'est-ce pas l'affaire de nous tous ?... Mais oui, il est question de libido en l'occurrence, celles de tous les âges de la vie, de la puberté à la sénescences et ne faites pas les effarouchés quand on en vient à l'évoquer... bien sûr que le sexe, ça nous préoccupe (et accessoirement occupe) une grande partie de l'existence et qu'en conséquence, ça induit les comportements, ça fait penser autrement, ça « pulsionne » les agissements et ce dans toutes les couches (oui : les couches, j'ai bien écrit cela... ) de la société.

Alors quand c'est un ex président de la République qui s'enflamme soudain pour écrire ses mémoires et que pour la mise en page et la coordination de ses souvenirs, il vient à employer la frigide et « naïve » Marguerite, on est en route pour une chevauchée fantastique sur la piste cendrée du jeu politique nourri des errances et autres divagations tapageuses de ses acteurs les plus en vue. Un monde où ruisselle, au-delà des sueurs froides, les soifs de pouvoirs, les affres de la domination, les ego les plus exacerbés, voire les folies de la République outragée.



Bon, il ne faut pas lire ce roman truculent seulement parce qu'il y a du sexe, même si le dénommé Jonas a un sacré vieux problème avec le sien (je parle de son organe reproducteur et des « obnubilences »* afférentes)

Oh mais faut pas que ça vous choque mes petites dames !... Son « machin » au Jonas n'a rien à voir avec le mythe de la baleine, lui, il nage dans d'autres courants et sur des ondes bien plus au Net... (oui fi ! )

Cela ce n'est encore rien, il y a pire... Ah ! J'oubliais de vous dire, Jonas c'est le petit ami de Marguerite... Eh oui ils sont un peu aux antipodes ces deux là, mais ils se retrouvent sous le même toit...

Ajoutons à ce tableau déjà haut en couleurs, des meurtres politiques puis un policier sur la brèche pénétrant en catimini ce milieu esotero-politique par la moindre fissure, alors en couple avec la mère de Marguerite... Ah le rapport mère fille j'vous dis pas !...

D'abord parce que ça n'a rien à faire dans ce billet de présentation...



Le style ?... C'est du Erwan Lahrer tout simplement... ça veut dire, une façon d'écrire très distincte des autres, dans un style qui lui est propre et que l'on apprend à apprécier au fil des pages...

On retrouve un vocabulaire affûté, créatif au service de concepts innovants, qui comportent des glissades sémantiques surprenantes mais toujours riches de sens. Là, plus que dans ces romans précédents on découvre ce don à vous transformer la description d'un état d'âme ou l 'énoncé des réflexions que se font ses personnages, en actions immédiates, opportunes, se trouvant soudain hors contexte, nous promenant alors dans le temps d'avant, dans le temps présent et aussi dans le temps d'après... c'est génial ! Faut suivre, c'est vrai, mais, surtout en tant que lecteur, laisser faire son imagination... c'est l'auteur qui pilote et il y a bien un bon pilote à bord !… Alors profitez bien du voyage !...



Même au-delà ce de cet énigme qui demeure en filigrane : « les circonvolutions du cerveau humain dans leur rapport avec nos organes génitaux », on ne ressort pas indemne de cette lecture, entendez que l'on en a appris pas mal sur les sous-couches de notre nature humaine, de celle de nos contemporains, forcément, et, parmi eux, sur celles, non moins épaisses, de nos grands administrateurs politiques...

Faut-il s'en attrister ? Ce serait vraiment dommage !… Commençons donc par nous pardonner à nous mêmes toutes les divagations de notre esprit qu'on ne souhaite pas divulguer même à ses proches les plus intimes et vous verrez que Marguerite se pardonnera aussi à elle-même de ne pas avoir su aimer ses fesses.

Mais que le sexe devienne une addiction, il est alors particulièrement destructeur...



Il me semble bien qu'Erwan Lahrer a écrit une grande partie de ce roman au cours de l'année 2015 alors qu'il s'était physiquement engagé auprès de professionnels dans des travaux de maçonneries pour restaurer le Logis du Musicien à Mirebeau, ayant à dessein d'en faire une maison d'artistes épris de littérature et de théâtre... Apprenti maçon le jour, écrivain le soir... quelle énergie ! Quand la sueur devient encre, on peut en attendre une inspiration édifiante... la preuve !...



*"obnubilences" (comme "turbulences"), j'ai préféré à "obnubllations" : moi aussi je « glossolalise » … lol
Lien : http://www.mirebalais.net/20..
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