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Critique de stephanerenard


Voilà un auteur que je n'ai pas lu depuis longtemps mais qui m'a marqué à jamais et dont je récite encore quelques textes par coeur... (ou du moins je crois)

"ô Mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante."

Il y avait quelque chose de magique à découvrir cette poésie étrange et hors norme. Une lecture d'adolescence (et à présent que j'écris cette critique, j'ai 54 ans).
Relire ces textes, puissamment gothiques me procure les mêmes étranges sensations qu'autrefois : dégout, horreur et en même temps saisissante fascination pour la beauté de l'écriture pour cette voix fascinante du mal qui énumère des horreurs comme Baudelaire écrit magnifiquement sur une charogne.
"Au reste, que
m'importe d'où je viens? Moi, si cela avait pu dépendre de ma
volonté, j'aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du
requin, dont la faim est amie des tempêtes, et du tigre, à la
cruauté reconnue: je ne serais pas si méchant. Vous, qui me
regardez, éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un
souffle empoisonné. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon
front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux
arêtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les
rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que
je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tête des cheveux
d'une autre couleur. Et, quand je rôde autour des habitations
des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents,
les cheveux flagellés par le vent des tempêtes, isolé comme
une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flétrie,
avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit
l'intérieur des cheminées : il ne faut pas que les yeux
soient témoins de la laideur que l'Etre suprême, avec un
sourire de haine puissante, a mise sur moi."

Ces textes parlent de solitude, de tourments, de brulures intérieures. Comme cela me parlait à une époque tourmentée de la vie. Mais aujourd'hui, en une période très paisible et sereine, j'y trouve toujours une description vraie et authentique, quoique voilée de poésie, des tourments de l'âme humaine.

"A peine le dernier coup de marteau s'est-il fait entendre, que
la rue, dont le nom a été cité, se met à trembler, et secoue
ses fondements depuis la place Royale jusqu'au boulevard
Montmartre. Les promeneurs hâtent le pas, et se retirent
pensifs dans leurs maisons. Une femme s'évanouit et tombe sur
l'asphalte. Personne ne la relève: il tarde à chacun de
s'éloigner de ce parage. Les volets se referment avec
impétuosité, et les habitants s'enfoncent dans leurs
couvertures. On dirait que la peste asiatique a révélé sa
présence. Ainsi, pendant que la plus grande partie de la
ville se prépare à nager dans les réjouissances des fêtes
nocturnes, la rue Vivienne se trouve subitement glacée par
une sorte de pétrification. Comme un coeur qui cesse d'aimer,
elle a vu sa vie éteinte."

L'envers du décor, le petit reste gluant de la condition humaine succombant à sa propre folie, le voyage au bord du gouffre. Ces délires poétiques valent autant que toute la philosophie, que tout ce que l'on a pu écrire sur le mal.
Nous voyageons au bord du gouffre tantôt dans l'illusion d'une verte prairie, tantôt dans l'illusion de sombrer dans un abîme insondable.

Mais la vérité, la vérité toute nue, c'est qu'il n'appartient qu'à nous de trouver la beauté, et de lui donner vie.
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