AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LydiaB


Je tenais à lire cet ouvrage car ayant travaillé sur le rôle de la foi au Moyen Âge, notamment à travers Les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci, je voulais savoir si le but du Père de Lavaur avait été le même que celui du prieur de Vic-Sur-Aisne. Car lire un texte religieux pour lire un texte religieux ne m'intéresse pas. En revanche, en faire une analyse et en montrer le but précis, voilà qui est beaucoup plus enrichissant.

Bien m'en a pris car je me suis rendue compte que le parallèle avec Gautier et consorts existait bel et bien. le discours est tout aussi didactique. Mais remettons un peu les choses dans leur contexte : Bernadette Soubirous, enfant pauvre et chétive, nait le 7 janvier 1844. A l'âge de 14 ans, elle voit la Vierge lui apparaître pour la première fois. C'était le 11 février 1858. Ce que l'on sait beaucoup moins, c'est qu'elle la verra pendant 6 mois à 18 reprises. Bernadette rentra au service de la Vierge. Une cruelle maladie l'emporta le 16 avril 1879. Elle n'avait que 35 ans. le père Marie-Antoine de Lavaur, né Léon Clergue est un de ses contemporains et c'est là que cela devient intéressant. Ce dernier est né à Lavaur le 23 décembre 1825. Issu d'une famille très chrétienne, il n'est pas étonnant que sa vocation intervienne très rapidement. Il reçoit la prêtrise en 1850 et deviendra le Père Marie-Antoine en 1856. Il rencontre Bernadette, à Lourdes, en 1858, entre la dix-septième et la dix-huitième apparition. Il entend bien défendre cette pauvre enfant que l'on veut mettre au cachot car, bien entendu, on ne la croit pas. A la mort de cette dernière, il la glorifie avec un acharnement sans nom.

Cet ouvrage, Nos plaies sociales et la mission de Bernadette est, je le disais plus haut, à visée didactique. le capucin tente ainsi de souligner que si la figure mariale a choisi cette enfant, c'était avec un objectif bien précis : mettre en relief la décadence de cette société du XIXe siècle, tant sur le plan social que sur le plan spirituel, cela va sans dire. Ainsi, sous la forme, principalement, d'un dialogue entre un ange et un pèlerin – ce qui n'est pas sans rappeler les allégories médiévales, notamment le Songe d'Enfer de Raoul de Houdenc (XIIIe siècle) – le Père Marie-Antoine démontre qu'il existe neuf plaies : la décadence morale, la stérilité au foyer familial, l'abandon des campagnes pour la ville, la négation du surnaturel par le positivisme, le socialisme ou la guerre des pauvres contre les riches, le césarisme ou l'omnipotence de l'État voulant exercer sur les âmes les droits de Dieu, la guerre contre les religieux, la guerre faite à leur enseignement et, enfin, le sensualisme. Il ne faut pas oublier que le Père a vécu cette période d'insurrection que fut la Commune. La rupture avec le concordat de 1802 (qui faisait de la religion catholique LA religion des français ou, du moins, d'une grosse majorité et, des religieux, des agents de l'État) fut pour le moins douloureuse et sanglante puisque le peuple devint hostile à toute forme de religion. Des prêtres furent fusillés. Il subit également la séparation de l'Église et de l'État et l'expulsion des religieux du territoire. On peut alors mieux comprendre pourquoi, à travers ses textes allégoriques, il invective ses contemporains à reprendre ce qu'il considère être le droit chemin. Il ne s'en cache pas d'ailleurs et fait preuve d'une honnêteté qui le caractérisera tout au long de sa vie. Ainsi, il écrit, dans le début de sa préface : « Voici, sous la forme saisissante d'un dialogue placé dans la bouche de l'Ange du Pèlerinage et du Pèlerin de la Grotte, les enseignements que j'ai fait entendre plus d'une fois aux pèlerins que j'ai conduits aux pieds de leur Mère chérie : plusieurs m'ont manifesté le désir de les voir réunis dans un petit ouvrage pour les faire revivre sous leurs yeux par la lecture. Je le fais aujourd'hui pour le bien de leur âme. »

Jusqu'à présent, j'ignorais complètement l'existence de ce religieux. Et je dois même dire que je croyais connaître l'histoire de Bernadette. Or, je me trompais. Et à la lumière d'un autre ouvrage, généreusement offert par l'éditeur, concernant la vie du Père Marie-Antoine de Lavaur, et de celui-ci, j'ai pu comprendre pourquoi, au-delà du miracle, la vie de la petite bergère fut aussi importante – et l'est toujours - pour les catholiques. Bien plus qu'un ouvrage religieux, on peut considérer que Nos plaies sociales et la mission de Bernadette a une portée socio-historique comme ont pu l'avoir, dans le même registre, Les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci. Et j'irais même plus loin en disant que les textes de ce capucin sont devenus intemporels dans la mesure où ils peuvent s'appliquer à notre société dite « moderne ». Ce texte, qui se lit à plusieurs niveaux, est à mettre entre toutes les mains.

Un grand merci à Vincent Beghin du blog Les Agents littéraires ainsi qu'aux Editions du Pech pour leur gentillesse et pour ce partenariat.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}