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Critique de berni_29


Il y a dans ce roman graphique, Ces jours qui disparaissent, mille choses qui se bousculent, envoûtantes, mélancoliques, tristes, cruelles, émouvantes, magnifiques et je ne saurais dire à quel thème ce roman graphique empreint de fantastique se raccroche le plus : l'enfance, le temps qui passe, l'amitié, l'amour, le destin écrit par avance ou bien son contraire le libre-arbitre, les choses qui nous échappent irrémédiablement ou bien celles sur lesquelles nous avons encore un peu la main. Timothé le Boucher, dans un dessin fin, épuré, expressif, m'a invité ici dans un univers étonnant, au bord du vertige, saisissant. J'en suis ressorti totalement remué.
Il m'est difficile de vous esquisser un semblant de scénario sans prendre le risque de tomber dans l'horrible travers dans lequel celui qui a rédigé la quatrième de couverture s'est lâché. Il aurait voulu raconter toute l'histoire, il ne s'en serait pas mieux pris. J'espère que ce n'est pas l'auteur, je ne pense pas toutefois... On observe souvent sur Babelio que les quatrièmes de couverture sont ratées, à force il faudrait peut-être en faire un exercice de style ou tout simplement en confier la rédaction à des lecteurs avertis...
Lubin est un jeune acrobate insouciant. Il partage sa vie entre l'exercice du cirque et une vie plus « alimentaire », travailler dans la journée avec son ami Léandre par ailleurs magicien de la troupe, dans la supérette de l'oncle de ce dernier.
Tout a peut-être commencé ce soir-là lors d'une chute à un des spectacles...
Un matin Lubin arrive en retard au travail et c'est ainsi qu'il découvre ce jour-là puis dans la semaine, lorsque cela arrive justement deux jours plus tard, qu'il semble « disparaître » de sa conscience un jour sur deux. Il se rend alors compte qu'il ne dort pas durant les jours où il semble disparaître de sa vie, tandis qu'une autre personnalité se réveille dans son corps et dès lors Lubin peine à bien à comprendre ce qui lui arrive. D'ailleurs, est-ce lui qui disparaît, où bien est-ce les jours dont il a conscience ? Deux être semblent cohabiter dans son corps, un autre s'en empare de manière alternative, un autre qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, mais différent en même temps.
On peut certes lire cette BD de différentes manières, en faire une fable sur le passage de l'enfance à l'âge adulte, un récit initiatique, une approche totalement psychiatrique sur le trouble dissociatif de l'identité, la schizophrénie, ou bien tout simplement une histoire fantastique.
Lubin décide de communiquer avec l'autre, peut-on ainsi parler d'un alter ego, puisqu'ils paraissent déjà si différents ? Étrange, terrifiant, ce face à face à distance par vidéo, à deux jours d'intervalle, où les deux protagonistes communiquent et décident une sorte de pacte, sur ce territoire qui est ce corps de Lubin, mais bien au-delà d'un corps, un corps n'est rien qu'un territoire où s'invitent un coeur, une âme, le coeur des autres, les gestes des autres...
Lubin et son alter ego ont le même corps mais pas les mêmes gestes. La même voix mais les mots et les intonations sont différentes. L'autre paraît moins sympathique, mais il est bien plus structuré et plus ordonné côté rangement, plus rationnel. Bref, côté rangement, l'alter ego dont on rêve au quotidien !
Ils n'ont pas non plus les mêmes convictions politiques. Côté amour, puisqu'un moment donné, la frontière ne se pose pas comme un mur de Berlin ou le mur entre les États-Unis et le Mexique, entre deux pays, visiblement côté charnel ce n'est pas tout à fait pareil non plus. Disons qu'à cet endroit, l'autre paraît plus expérimenté s'agissant de faire l'amour. Dur cet aveu d'une amante qui ne comprend déjà rien à ce qui se passe...
La vie sentimentale de Lubin en est donc impactée. Sa vie familiale aussi. Sa vie professionnelle, n'en parlons plus.
Troublante cette phrase de la psychiatre qui dit lors d'une consultation de Lubin : « Si vous le laissez prendre le pas sur votre vie, c'est parce que vous l'acceptez ». Quelle puissance, cette phrase presque anodine.
Peu à peu l'autre prend le pas sur sa vie, de plus en plus...
Les fréquences où Lubin refait surface sont de plus en plus espacées. C'est terrifiant. Dans son entourage, quelqu'un vient à calculer un ratio, la mathématique accablante, un ratio de 1,5367 pour déterminer l'espace suivant entre deux jours où Lubin refait surface, quelque chose d'effroyablement exponentielle ! Non !!! Tout d'un coup, j'ai eu l'impression de voir surgir dans cette distance affreuse qui s'ouvrait comme un gouffre sans fond une sorte de mythe d'Orphée réinventée avec cet éloignement inexorable, mais je n'en dis pas plus, même si cela n'a rien à voir avec l'histoire, oui j'ai cru reconnaître un moment donné quelques chose qui ressemblait au geste d'Orphée tentant de retenir Eurydice...
La fin est d'une modernité sidérante, à tous points de vues.
Comme c'est beau quand la BD nous chavire avec tant d'émotions ! Je vous avouerai simplement que c'est aussi une magnifique histoire d'amour.
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