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Critique de pompimpon


- Je veux dire : ça n'est pas un cousin ?
- Oh, Seigneur, murmura Smiley."

Espion emporté dans la chute de Control, qui supervisait le service de renseignement extérieur anglo-saxon et avait été déboulonné pour paranoïa avérée par un quatuor ambitieux, George Smiley est prié de reprendre du service après que l'existence d'une taupe au sein des services secrets a été authentifiée par la confession d'un agent russe.

Mendel dit de ce drôle de bonhomme qu'à le voir, on ne le laisserait pas traverser la rue sans accompagnement mais qu'à l'instar de ces vieux chênes tordus, lui seul reste debout dans les pires tempêtes.
Karla, maître espion soviétique, pense qu'il représente la menace la plus redoutable pour sa taupe…

Écarté un temps des services, discrédité, George Smiley est le meilleur agent pour assembler le puzzle, traquer la taupe dans les dossiers, faire les recoupements nécessaires entre les opérations ratées, les avertissements de Control, les souvenirs des années où travailler pour le Cirque revenait à défendre l'empire et ses valeurs, à mener une existence héroïque pleine de dangers, les déplacements des quatre suspects, la réorganisation complète du Cirque, les échanges avec les correspondants et espions retournés.

J'avais été enthousiasmée par le film de Tomas Alfredson, avec Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Mark Strong, David Dencik, Ciarán Hinds, John Hurt, Benedict Cumberbatch, Toby Jones, Kathy Burke, une distribution éblouissante pour un film remarquable.
Rien à voir, dans ce Londres crépusculaire et cette quête laborieuse, avec les pifs-pafs-poufs ultra-sophistiqués de l'agent 007 !

À lire La taupe, je constate avec quel soin le réalisateur a reconstitué cet univers à la dérive, nostalgique de hauts faits d'armes que les protagonistes sont trop vieux désormais pour pouvoir les reproduire dans un monde redistribuant les cartes sans cesse.
Et encore, nous ne sommes que dans la première moitié des années 1970, la guerre froide bat son plein, l'explosion éparpillant les équilibres en milliers de petites pièces improbables attendra encore quinze ans pour se produire.

Il y a donc l'Est et l'Ouest, deux blocs immuables en apparence, se regardant en chiens de faience tandis que les espions s'affairent dans l'ombre.

À aucun moment il n'est fait allusion à cette vérité historique que, pour ce qui est des taupes soviétiques au sein des services secrets des pays de l'Ouest, la Grande-Bretagne a payé un lourd tribut avec les Magnificent Five qui ont mis à mal sa crédibilité pour de longues années.
Mais il y en a forcément des échos, dans le choix des membres du quatuor, de leurs profils, de leurs faits d'armes, et de la confiance qui leur est donnée juste parce qu'ils viennent pour la plupart du meilleur monde et ont usé leurs fonds de culottes sur les mêmes bancs.

Il est d'ailleurs à souligner que John le Carré a vu sa carrière dans les services secrets brutalement imterrompue après que sa couverture a été compromise par Kim Philby, le plus célèbre des Magnificent Five.

Mais revenons à La taupe.
Ce George Smiley, avec ses problèmes de couple et cette dégaine impossible, paumé dans des manteaux ou des imperméables trop grands, quelle trouvaille pour nous mener par le bout du nez dans les méandres de sa quête…
Il cache bien son jeu.

Il n'est pas dupe du fait que la découverte de la taupe ne résoudra pas ses difficultés conjugales, pas davantage qu'elle n'apaisera les blessures de ceux qui l'ont crue et suivie, et ont été ses victimes.
Mais il ira jusqu'au bout.

J'ai trouvé ce livre tout bonnement fumant.
Les personnages sont finement posés, rien n'est simple ni simpliste dans cette histoire.
Le monde des espions est bien loin de la caricature qu'on a l'habitude de voir au cinéma.
John le Carré le brosse avec intelligence et précision.
Sa description des a priori et des obstacles auxquels est confronté Smiley dans sa quête est criante de vérité, tant il est vrai que la société anglo-saxonne reste régie par une hiérarchie sociale qui a davantage en commun avec le système des castes indiennes qu'on ne le croit de ce côté-ci de la Manche, système que la Grande-Bretagne avait d'ailleurs largement contribué à imposer sur tout le sous-continent indien.

Il faut voir comme on lui renvoie systématiquement les cousins de sa femme, l'un ministre, l'autre à la tête du Cirque…

Quant à la chasse à La taupe, elle est complexe mais accessible, elle ménage le suspens et nous cueille à froid aux meilleurs moments.
Une réussite.
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