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Critique de gerardmuller


Chanson bretonne suivi de L'enfant et la guerre : Deux contes. J. M. G. Le Clezio
C'est la Bretagne de son enfance que Le Clezio nous « chante » dans ce premier bref récit qui se prolonge dans le second conte en arrière-pays niçois, là où il est né. Pas de plaintes nostalgiques dans les mots choisis par l'écrivain qui bien que né en 1940, a quelques souvenirs de la fin de la guerre. Témoin d'une époque révolue, Le Clezio quoique ne parlant pas couramment le breton, se plait à user de mots de la langue de ses aïeux pour exprimer le fond de sa pensée et la douceur pastorale des images des moissons à l'ancienne et des fêtes villageoises à Sainte Marine près de Quimper. Comme il le dit si bien, tout est à la même place dans le petit village, mais quelque chose a changé, le temps a usé et repeint, modifié l'échelle surtout et modernisé le paysage. Et l'auteur de se poser la question pour connaître les raisons du manque de résistance des bretons pour pérenniser leur idiome. Pourquoi ont-ils cru que la langue bretonne les rejetait dans une catégorie inférieure et les condamnerait à la misère ou à l'ignorance ?
Le Clezio se souvient de la violence des tempêtes marines et aussi de la brûlure du soleil certains jours, la solitude des criques encombrées de galets géants où venaient exploser les vagues. La culture du terroir est omniprésente dans cet hymne à la Bretagne de ses lointains ancêtres.
C'est le 28 juillet 1488 que la Bretagne a perdu son indépendance. Vaincues par le roi de France à Saint Aubin du Cormier près de Rennes, les troupes du duc François II et de la duchesse Anne se rendirent et se soumirent à la suzeraineté de la France pour toujours. Faisant partie du butin, la duchesse Anne dut épouser le roi de France Charles VIII.
Dans ces deux contes, l'enfance est au coeur du récit et connaissant bien moi-même la Bretagne pour y avoir passé toutes les vacances de mon enfance chez ma tante dans le Morbihan à partir de 1950, j'ai retrouvé ses sensations, des sentiments que j'avais ressentis jadis. Mes souvenirs ont repris de la couleur en lisant la Bretagne de le Clezio. Par contre étant né quatre années après l'auteur, je n'ai pas de souvenirs de la guerre. Mes plus anciens souvenirs, je les date à l'été 1947, l'un des plus chauds du siècle. Pour l'auteur la mémoire aussi commence vers trois ans. Les moissons manuelles à Roquebillière et glaner les épis perdus, ce geste très ancien, restent à jamais gravées dans sa mémoire, car après la guerre, tout changera avec la mécanisation des travaux agrestes. Mais comme dit bien l'auteur, la mémoire est un tissu fragile, facilement rompu, contaminé, un mélange confus et contradictoire. On ne peut pas toujours mettre des mots sur ce que l'on ressent à cet âge.
La guerre, ce fut aussi la faim, une faim permanente que décrit bien l'auteur, un vide au centre du corps. Ce fut également la famille Le Clézio coupée en deux au début de la guerre, avec un père mauricien en mission en Afrique équatoriale et sa mère française dans la France occupée, un retour du père impossible durant sept ans, une séparation dont a beaucoup souffert l'enfant. Puis ce sera le départ pour l'Afrique en 1947 où il va découvrir la liberté, le plaisir des sens et l'abondance de la nature. Mais aussi l'injustice fondamentale de la colonie et l'arrogance des administrateurs coloniaux. Cela est une autre histoire…
L'auteur nous donne aussi l'origine de son nom, Ar Kleziou, qui décrit un lieu dit « le grand talus ». Deux contes à connotation autobiographique, tout simples mais prenants et émouvants, grâce à une belle écriture, plutôt onirique et insouciant pour le premier et plus douloureux pour le second : l'enfant né en 1940 n'a jamais connu la paix lorsqu'il commence à avoir des souvenirs…
Deux textes magnifiques.
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