AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LIAZID


M. le Pen est bien meilleur écrivain qu'homme politique. C'est toujours très délicat de faire une critique d'un livre où la politique y est fortement impliquée. Cela dit c'est très bien raconté, riche en tournures ironiques, des choix très aiguisés de mots placés au bon moment. La lecture est très facile, rapide, captivante et ironique où le vécu et la nostalgie transpirent à travers les lignes. Je ne suis pas étonné, connaissant le personnage politique avec le talent d'orateur qu'il cultivait lors de ses différents meetings. On peut lui reconnaître objectivement ce don qui a capté l'attention des militants, observateurs et autres journalistes. Sur certains points, n'importe qui ne peut être que d'accord avec des constats tels que la disparition progressive du petit commerce de centre ville au profit des centres commerciaux périphériques, la baisse de la qualité des programmes scolaires, l'obtention du diplôme du second degré validée par simple formalité fabriquant ainsi des lauréats nuls en orthographe et en lecture. Beaucoup d'entre nous le pensent sans passer pour des poujadistes ou des conservateurs radicaux. Pourquoi s'approprier ces remarques et les mettre au crédit du corpus du Front National ?
Les premiers partisans de son mouvements au passé parfois douteux font que ce parti occupera toujours une place à part sur l'échiquier, un parti qu'on a fini par le laisser s'exprimer dans les médias afin que les débats qui en découlent donnent au citoyen le libre arbitrage. Une organisation qui pratiquera une politique boutiquière sans jamais atteindre la Graal Présidentiel, malgré la possibilité de disposer d'un soutien non négligeable et d'une tribune pour se faire entendre.
A travers le prétexte d'un livre mémoire, Fils de la Nation reste malgré tout un livre militant d'une pensée idéologique à laquelle Jean Marie le Pen croit toujours, de facto le prétexte subtil du livre mémoire me parait un peu facile et trompeur sur la marchandise éditée, l'objectif étant de justifier sur 400 pages la légitimité du parti qu'il est parvenu à créer dans les années 70. Cela dit puisqu'on est pris par le prisme du lecteur, on a de l'empathie pour le personnage au parcours riche et mouvementé, et la magie du roman captivant fonctionne et barre la route au reflexe du recul intellectuel dans le paysage de la politique contemporaine.
Le Pen ne se prends pas du tout pour ces historiens auquels il reproche parfois la soit-disant honnêteté objective, mais il se fait apparaitre plutôt comme le Julien Sorel du XXe siècle, grâce au talent du récit romanesque, sorte de héros romantique écorché vif, regonflé par les aventures, aigri par les déceptions et à ma surprise doté d'une certaine popularité dans le milieu étudiant et politique, notamment à Paris. On découvre la nature impulsive et très volontaire du personnage qui permet de comprendre l'attitude provocatrice, cynique, parfois agressive de l'animal politique. Animal qui profite à cette occasion de rétablir la vérité quand il expose sa propre vision de l'histoire récente.
Le mépris pour le Général de Gaulle et la haine chevillé au corps du communisme sont ses 2 principaux aveux très assumés, et qui sont rappelés régulièrement, constituant les 2 principaux ingrédients pour l'élaboration du personnage politique qu'il a su forgé depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui. Il présente le personnage De Gaulle comme étant un simple sous-secrétaire d'état de l'ancien cabinet Reynaud, ensuite juste un colonel nommé général temporairement dans l'urgence de guerre, un faux grand homme dont le destin fut d'aider la France à devenir petite : « Il me parut laid ….Il n'avait pas une tête de héros. Un héros doit être beau. Comme saint Michel ou le maréchal Pétain ». Pourquoi donc vouloir souligner cette comparaison physique ?
Dans le récit transparait en filigrane un air du « c'était mieux avant » : abandon du latin et de la soutane dans les églises, abandon de l'éducation sévère pour les jeunes. Des abandons qu'il relie aux usages décadents d'aujourd'hui qui ne font que diminuer la splendeur de la maison France. Tout cela avec une pointe d'humour certes mais surtout avec une aigreur qui jalonne toute la lecture. Le mot imposture revient souvent notamment pour désigner des faits officieusement gravés dans le marbre par l'Histoire ainsi que les actions politiques de ses adversaires présumés. A cette occasion il n'épargne pas Pierre Mendès France qu'il méprise en le qualifiant d'aussi suffisant qu'insuffisant, sans aucun vécu sur le terrain de la guerre d'Indochine.
L'ambivalence du personnage s'illustre par plusieurs aspects que j'ai remarqués: la variété des chansons qu'il connait par coeur allant de la variété, en passant par les chants de la Wehrmacht jusqu'à ceux d'extrême gauche, la variété des personnages célèbres croisés (Chabol, Zizi Jeanmaire, Michoux, Mouloudji, Olivier de Kersauzon..) sans nécessairement en avoir fait ses amis. Enfin je note aussi la sympathie qu'il a su lier avec certains sympathisants de gauche avec qui il trouvait des points communs comme le syndicaliste Alexandre Hébert (méfiance vis-à-vis de ceux qui décident de la guerre, être né du peuple et avoir travaillé de ses mains, haine du communisme, partage des bénéfices entre investisseurs et travailleurs).
L'amour de la mer et des marins semblent avoir construit chez cet enfant de la Trinité ce caractère volontaire et combatif, notamment lorsqu'il raconte ses voyages en mer avec son père et plus tard avec ses amis, sa famille et ses relations. Un passage au chapitre 5 sur les Quarantièmes rugissants raconte très bien le courage des marins assoiffés de liberté et prêts à affronter une mer sans pitié. Belles descriptions comparable au « vingt mille lieux sous les mers ».
Je ne m'étais jamais vraiment intéressé à l'histoire de la guerre d'Indochine et d'Algérie dans laquelle le Pen s'est engagé. Il en profite bien sûr pour en redessiner les contours d'après ses observations sur le terrain et ses souvenirs, redéfini le contexte des évènements, en recadrant au passage les «faux » historiens, pour nous livrer sa « vrai » version. Même si ces guerres sont assez complexes (aucune guerre n'est simple) c'est toujours intéressant, avec le recul nécessaire, d'avoir les détails sur les différentes étapes des conflits quel que soir le narrateur.
Dans le même esprit de recul, j'ai trouvé très intéressant la notion de résistancialisme, terme qui évoque que toute action criminelle peut se réfugier derrière l'alibi de résistant quel que soit le mobile et l'appartenance partisane de l'auteur du crime. Le contexte plus ou moins déjudiciarisé de la société en pleine guerre facilite cette formalité, une attitude que l'auteur dénonce très fermement.
J'aurais aimé avoir plus d'explication sur la fameuse affaire du détail en 1987, qu'il survole volontairement pour la réserver dans son prochain volume.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}