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Critique de Petitebijou


Premier roman pour adulte de Guillaume le Touze, sorti en 1992,"Comme tu as changé" raconte l'histoire d'un adolescent qui descend en Espagne passer des vacances avec ses parents. Cet adolescent, Paul, le narrateur, va en quelques jours observer ce qui l'entoure et lui-même dans un regard sans concession et passif à la fois. Il est à ce moment de l'adolescence où l'ennui règne, où l'on voudrait grandir, accélérer le temps, quand certaines minutes semblent une éternité et qu'elles vous étouffent. Mais voilà que le père s'en va, la mère se détourne, perdue, et pour la première fois Paul tente d'être maître de sa vie et de ses désirs. Il fugue, part retrouver ce père alcoolique auquel il n'est pas si attaché, plus prétexte à justifier la fuite qu'autre chose.
C'est un roman d'apprentissage, un de plus pourrait-on dire, mais comme toujours avec Guillaume le Touze (dont je connais les romans qui suivront) l'intérêt réside dans le style de l'écrivain, vraiment unique, qui ne peut que plaire ou déplaire, avec la même violence, mais jamais laisser tiède. En apparence, le texte est presque dénué d'affect. Pas de débordement, d'envolées lyriques. Une suite narrative au scalpel. Mais, et c'est ce qui m'ensorcèle dans ma lecture de cet auteur, la tension est permanente. Une des raisons que j'ai trouvées pour expliquer mon addiction est je pense que les phrases alternent la description de la réalité d'un paysage, d'un vêtement, d'un corps le plus frontalement possible, pour ensuite se déployer tels des cercles concentriques à la faveur d'un adjectif un peu incongru, d'un adverbe tranchant. L'inconscient du lecteur imprime la singularité de la prose, la complexité du monde intérieur de l'adolescent. L'action avance dans sa logique presque monotone mais les événements décrits sont tout sauf anodins. L'histoire peut sembler banale mais Guillaume LeTouze, et cela s'accentuera dans ses futurs romans, fait de la vie de son héros un destin. Il nous montre qu'une vie peut prendre son envol ou basculer pas nécessairement dans une action d'éclat ou extraordinaire, mais aussi dans le banal apparent d'un quotidien semblable à beaucoup d'autres. Seulement, et c'est ce qui fait toute la richesse du roman, quand Paul trouve enfin sa voix propre et unique, il fait acte de création en faisant de sa banalité un trésor rare à ne pas dilapider.
Ainsi en est-il de la littérature de Guillaume le Touze : la recherche d'une voix pudique et sensible, qui ne se donne pas à entendre facilement dans le brouhaha du monde littéraire actuel, mais qui, une fois le lecteur prêt à l'écouter, résonne en lui comme un chant millénaire.
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