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Critique de Loknoir


Il y a des livres qui éveillent des imaginaires politiques magnifiques. Il y a des livres qui transforment des concepts froids en possibilités vivantes que l'on peut effleurer du doigt. Il y a des livres qui ébranlent des certitudes que l'on croyait figées. Il y a des livres qui enflamment l'espoir. Il y a des livres que l'on imprime au creux de soi.

Parce qu'ils sont nécessaires.
Parce qu'ils sont évidents.

Eutopia fût tout cela pour moi. Et pourtant tellement plus.
C'est le récit de Umo. le récit d'une vie fictive qui m'a boulversé à un point qu'elle en occulterai presque le contexte politique du roman. Je dit presque, parce qu'au bout du compte, le contexte prédétermine toujours nos vies.
Un peu de contexte, donc :

Bienvenue dans un monde meilleur.

La Terre a été ravagée par le capitalisme pendant des siècles. Après une longue période sombre, une société nouvelle a éclos. Une révolution politique et intellectuelle a donné naissance à la déclaration d'Antonia, acceptée en conscience par tous et toutes, et qui régit les principes de vie de cette société qui tend vers l'utopie :

- Il n'y a de propriété que d'usage ;
- Toute propriété finit à la mort ;
- le sol, l'eau, l'air, ainsi que les règnes animal et végétal ne sont pas, ni peuvent être considérés comme des ressources ;
- Parmi les créatures vivantes, les actions de l'humanité ont le plus grand effet sur les conditions environnementales. Par conséquent, il est de sa responsabilité de modérer son propre impact, d'en corriger les effets négatifs, et de protéger le reste de la vie terrestre en assurant la perpétuation des richesses animale et végétale ;
- L'être humain n'est pas, ni ne peut être considéré comme une ressource ;
- L'éducation, la santé, l'alimentation, la justice, le logement et la maîtrise du travail sont des droits fondamentaux et inaliénables ;
- Chaque être humain est libre de corps et d'esprit. Aucun préjugé d'ordre moral ou religieux ne peut lui retirer cette liberté. Tout être vivant est libre d'aller et venir à sa guise ;
- Chaque être humain est un travailleur, de l'éducation à la mort. Par conséquent, chaque être humain a droit à un salaire ;
- Chaque être humain est libre d'user de sa force de travail dans quelques entreprise productive que ce soit, individuelle ou collective.
De fait, fini le capitalisme, fini le productivisme, fini la pression, fini la vitesse. Tout cela laisse la place à une décroissance structurelle, bénéfique pour tous et toutes.

Au fil de ses voyages et de sa vie, Umo fera l'expérience de l'amour libre, du travail libre, et de l'entraide devenue systémique. Mais il devra aussi faire face à la jalousie et à l'attachement toxique, des sentiments qu'il ne comprends pas toujours.

L'histoire avançant, les raisonnements de Umo se complexifient et évoluent. Son récit s'affine, devient plus subtil en réflexions et nuances. Pourtant, au delà des concepts politiques, c'est une histoire remplie de personnages extrêmement touchants et fouillés que nous propose l'auteur.

Et c'est de son amie Gob qu'émergera l'une des parties les plus riches du livre. Gob ne se satisfait pas des choses, elle questionne, doute, et critique cette "utopie" qui l'a traumatisé. La liberté est elle exempt de responsabilités ? Peut on imposer des règles pour le bien commun, fussent elles les plus vertueuses possibles ? Peut on faire mieux ? ... Doit on faire mieux ?

Eutopia est un livre fondamentalement politique, qui tisse les racines d'une société (en)viable et crédible, basée sur les travaux de Bernard Friot et de l'association Réseau Salariat . Pour autant, loin d'être un tract politique dénué d'émotions, c'est aussi un récit de vie touchant, qui m'a brisé en deux plusieurs fois, et qui foisonne d'idées géniales que je ne détaillerai pas ici pour ne pas gâcher les surprises 😉

Lisez-le. Ou, à tout le moins, parlez en autour de vous. Je suis convaincu que c'est un livre important, capable de déployer un imaginaire vital.

Puissions nous faire advenir ce possible.
Merci Camille.
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