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Critique de willymjg


Dans la salle voutée, l'immense cheminée ronfle, craque, ronronne. Les ombres dansent aves les flammes. Même un soir d'une belle journée de mai, à 2200 mètres d'altitude, la température flirte avec zéro degré.
Là-bas, le glacier brille encore des derniers feux qui effleurent les sommets. Ils viennent d'arriver, suspendant un instant leur geste ou leur pas pour contempler, le temps d'un soupir, l'ombre des monts aux lueurs du crépuscule.
*
Vous venez de commencer un régime, alors c'est foutu.
Adieu bonnes résolutions, pectoraux rentrés, et les petites graines des bobos en tous genres !
Lâchez-vous bon sang !
« À table ! » S'écrie Arlette.
Dans un grand raclement de chaises chacun prend sa place.
Au menu, « soupe à l'oignon pour tout le monde, daube de cerf à la polenta, fromages du pays ou tarte tatin, le tout arrosé d'un petit Cahors des vignobles du frère de Romain, ça ira ? »
Autour de la table, Sophie, médecin retraitée d'une grande station de Savoie et Louis, photographe l'été et manipulateur radio l'hiver, son compagnon assistant.
La douce Marie et Georges, le philosophe, couple de médecins de station-village durant vingt ans qui ont rejoint la ville pour les études de leurs enfants.
Jean, massif, rieur, médecin pendant vingt-cinq ans dans village-station reculé des Alpes, devenu globe-trotteur.
Romain, médecin Pyrénéen qui exerce toujours à plus de septante ans et Julie, son épouse collaboratrice des années durant, actuellement retraitée.
Pierre, médecin d'une grande station de Savoie jusqu'à un AVC et Agnès, son épouse infirmière et collaboratrice.
Luc, médecin en Isère puis dans l'humanitaire.
Gabriel, initiateur de la soirée, médecin dans les Alpes du Sud, exerçant toujours à plus de septante ans et Anaïs sa compagne.
Le service était assuré par Antoine, le gérant du refuge-hôtel, qui accepte de rouvrir son établissement et se mette aux fourneaux avec l'aide de sa femme, la plantureuses Arlette.
*
Ils se souviennent !
*
Arlette apporte la daube de cerf. le fumet qui s'échappe de la cocotte en fonte cloue le bec des conteurs. Un silence gourmand s'installe, troublé seulement par quelques heurts d'assiettes ou de couverts et le glouglou des verres que l'on remplit. La viande est fondante, la polenta parfumée. Après les premières bouchées, ceux qui n'ont pas la bouche pleine, après une gorgée de vin aux tanins de fûts de chêne et arômes de pierre chaude, réamorcent la discussion.
La population des touristes aux sports d'hiver est un échantillon de la société. Il y a les gentils, les reconnaissants, à vrai dire la majorité, parfois naïfs et étonnés : « mais vous avez un appareil de radiographie ! » « Comment pouvez-vous vivre si loin de tout ? Et dans la neige durant quatre mois.
Il y a Mamie, en manteau de fourrure et bottines et… qui est-ce qui glisse sur la plaque de glace devant la crêperie et se fracture le col du fémur ? … Mamie ! qui vient de dire adieu à la crêpe au grand Marnier !
Le discret professeur X, un des plus grands pontes de chirurgie osseuse d'une faculté célèbre, qui accompagne un ami victime d'une fracture de l'épaule.
- Pourquoi ne vous êtes-vous pas identifié en arrivant ?
Réponse :
Qu'aurais-je pu faire de plus, cher confrère ? vous perturber dans votre travail ?
Un « Grand Monsieur » !
Et combien d'autres anecdotes racontées par les uns et les autres.
*
- Sers moi un peu de vin avec le chèvre ! Tous nos dinosaures ne sont pas des poètes.
- Question à tous : que répond un patient du pays en surcharge de cholestérol quand on lui conseille de limiter le fromage ?
Réponse à l'unisson : Docteur tu veux me tuer !
*
La tarte est sur la table. Une vraie tarte familiale caramélisée, aux odeurs de feu de bois, de sucre et de pomme dont la légende dit qu'elle fut découverte à la suite d'une maladresse heureuse.
*
- Docteur venez vite, on a un mort mais peut-être qu'il est vivant.
*
Romain un peu congestionné rattrape un morceau de pomme échappé de son assiette et renchérit :
- Moi, ce n'est pas un mort vivant que j'ai dû réchauffer mais…
La danse des flammes, les craquements des bûches accompagnent cet instant où chacun revoit des regards, des sourires, réentend des voix que l'on ne peut pas oublier, puis le silence est rompu par…
On se souvient de Clopin-Clopant… de Manivelle… de la petite fleur d'alpage qui aura 45 ans le 14 septembre de cette année… ces foutues fumelles de foutues fumelles de ce vaillant septuagénaire. de cette solide sexagénaire, Antoinette, qui quarante-huit heures avant sa mort, lors d'un visite de son docteur, alors que son coeur battait la chamade, était encore prise de fou rire au souvenir de la stupéfaction et de la colère du Doc, lorsqu'il l'avait…
*
Recommandation(s).
Sanglez-vous à votre fauteuil !
Muselez-vous et évitez de distraire votre entourage par des fous rires contagieux à l'évocation des souvenirs cocasses.
Pour les situations plus sérieuses comptez sur Arlette… qui va débarrasser, pour laisser place à Antoine, accompagné d'un concert de chocs cristallins, de petits verres et d'une grosse bouteille de génépi. Silence.
Bande de mauvais esprits, s'abstenir.
- Tous devant la cheminée s'il vous plait, qui voudra du café ?

Lien : https://lesplaisirsdemarcpag..
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