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Critique de HypathieBlog


Cet essai du journaliste Nicolas Legendre, lui-même fils de paysans d'Ille-et-Vilaine, est l'histoire d'une utopie progressiste, généreuse de syndicalistes, coopérants agriculteurs, tous issus dans la catholique Bretagne de la Jeunesse Agricole Chrétienne (JAC) qui imaginent dans les années 60 de se fédérer en créant des CUMAS, SICAS, GAEC, coopératives d'agriculteurs pour moderniser l'agriculture et la Bretagne, sortir les paysans d'une relative misère, (on verra ensuite que la doctrine dominante exagéra sans doute cette misère prétendue pour mieux s'imposer, cela dépendait des cantons et des pratiques), mettre en commun leur matériel, leurs ressources, puis leurs savoir-faire pour accéder à la modernité libérale productive, basée sur la technique et des capitaux sous forme de parts sociales. Sauf qu'en 60 ans, le système est devenu un Moloch qui dévore ses enfants, il a salement foiré en devenant une féodalité mettant en coupe réglée les paysans qu'elle broie en les assujettissant à des coopératives devenues des monstres industriels, les terres et les paysages qu'il détruit, la biodiversité qu'il effondre, les cours d'eau et les plages qu'il pollue d'algues vertes. le "miracle" a fait long feu. le système ne tient que sur le déni, des anathèmes, des exclusions bien décrites via des témoignages terrifiants, la violence symbolique et réelle du syndicat majoritaire, la FNSEA, seul syndicat à se réjouir de la perte de 25 % de ses adhérents tous les 10 ans, des féodalités bancaires et industrielles, des fiefs électoraux où des politiques collabos ou tétanisés votent tout ce que veut le lobby agro-industriel, devenu industrie lourde à l'instar de la sidérurgie, ils parlent d'ailleurs comme elle, de minerai. "En Bretagne, la ligne rouge politique n'est pas le front national mais les écolos". Honnis par l'agro-business, soumis à des pressions et des intimidations, la sémantique utilisée contre eux emprunte au vocabulaire religieux : secte, jihadistes verts, Amish..., pour mieux les renvoyer à l'obscurantisme, la Raison étant bien entendu du côté de l'Industrie de l'agro-pétrochimie capitalistique des intrants de synthèse. Lesquels ne font jamais les comptes ni ne paient les externalités négatives (pollution, maladies professionnelles niées par la MSA, destructions environnementales et des paysages) qu'ils provoquent.
Ouvrage très documenté, revenant sur l'histoire bretonne du XXème siècle, basé sur de multiples témoignages "ici, ce n'est pas la Corse, on ne tue pas, mais on utilise des méthodes mafieuses pour faire taire les réticents et les "têtes de cochon" qui vont chercher des noises à leurs puissantes coopératives", notamment la puissante Cooperl de Lamballe (plus gros abattoir breton) une ou deux fois citée nommément, irrigue en fait tout le livre et les témoignages de ses adhérents traités en serfs voire en esclaves selon l'arbitraire du Prince Commault, fils d'archevêque, frère de curé, ancien JACiste pourtant, aux méthodes brutales, toute trahison de son statut coopératif bue. Sa condamnation par la justice au titre de participation au "cartel du jambon" en 2020 est racontée, et son comportement auprès du ministère au moment de payer une lourde amende de plusieurs millions d'euros est édifiant.
Système crépusculaire, avec en face trois sortes de personnel politique, la droite style le Fur, soutient indéfectible du modèle, la gauche pétocharde modèle le Drian qui met plein d'eau dans son vin, et enfin les écologistes et leurs associations, honnis et persécutés, on peut se demander comment on en sortira et quand. Nicolas Legendre essaie de conclure sur une note positive en citant l'agroforesterie, les cultivateurs bio, mais on peut être pessimiste et penser que le modèle agro-industriel n'aura de cesse que d'avoir éliminé tous les paysans pour les remplacer par des mandants, des salariées techniciens agronomes, le Capital étant détenu par des consortiums anonymes ou des fonds de pension investissant là comme ils investiraient ailleurs. On nous le vendra comme un mal nécessaire pour avoir "des lardons et du jambon sous vide pas cher pour tous trois fois par jour", puisque les classes moyennes se sont laissé endoctriner par le tout protéines animales -de mauvaises qualité, les animaux, dont pas un mot n'est dit dans l'ouvrage, étant aussi les victimes, servant de minerai principal, et à tout faire à cette industrie lourde ayant abdiqué toute morale et éthique. A LIRE.
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