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Critique de jvermeer



J'ai rencontré Gustave Caillebotte. Celui-ci se cachait dans son ancienne propriété familiale de Yerres dans L'Essonne. Un vaste programme de réaménagement de la propriété, du parc, du potager, des rives de l'Yerres, a été engagé par la ville afin de redonner l'aspect du lieu à l'époque du peintre. Aujourd'hui, Yerres est en passe de devenir un haut lieu de l'impressionnisme comme peut l'être l'atelier et les jardins de Claude Monet à Giverny.

Un exploit… En 2014, le temps d'une exposition « Caillebotte à Yerres, au temps de l'impressionnisme », 43 des oeuvres de Caillebotte qui, pour la plupart, n'avaient jamais ou très peu été exposées au public, ont été présentées pour la première fois par sa ville d'Yerres dans le lieu même où il les avaient peintes. Les toiles venaient des plus grands musées du monde et de collectionneurs privés, dont la famille du peintre.

Curieux personnage que ce Gustave Caillebotte. Mais qui était-il ?
Il a douze ans lorsque son père achète à Yerres une superbe propriété entourée d'un grand parc longeant les bords de la rivière Yerres. La campagne environnante, la propriété elle-même avec son parc, ses massifs de fleurs, la vie de sa famille qui se promène, lit, brode, se baigne, pêche, offre à Caillebotte de nombreux motifs qui l'inspireront durant une vingtaine d'années avant la vente de celle-ci au décès de ses parents en 1879. Dans les peintures présentées dans l'exposition de Yerres on retrouve les nombreuses passions de l'artiste en dehors de la peinture : jardinage, plaisancier victorieux de nombreuses régates, architecte naval.
A 26 ans, l'artiste devenait le riche héritier de son père. Il n'avait pas besoin de la peinture pour vivre. Avec talent, notre homme peignait pour le plaisir. « Caillebotte faisait de la peinture à ses moments perdus » disait un critique.

Néanmoins, il participera à l'épopée de l'impressionnisme. Les peintres avant-gardistes qui voulaient révolutionner la peinture académique deviennent ses amis, et il expose avec eux dès la deuxième exposition du groupe à Paris en 1876. Par tous les moyens, il les aide: organisation et financement de leurs manifestations, achats de tableaux (« Bal au moulin de la Galette » de Renoir, « le balcon » de Manet, « La gare Saint-Lazare » de Monet, etc.), prêt d'argent. Mort prématurément à 45 ans, il lègue à l'Etat sa collection de toiles impressionnistes : le fameux « legs Caillebotte » comprenant 67 oeuvres achetées à ses amis. Celui-ci forme aujourd'hui une part importante de la collection du Musée d'Orsay.

La peinture impressionniste doit beaucoup à Gustave Caillebotte.

Après sa mort, le peintre est vite oublié. Puis, progressivement, à partir des années 1970, de grands musées français et étrangers achètent des toiles majeures comme celles que j'ai parfois croisées dans différents musées : « Les raboteurs de parquet », « Rue de Paris, temps de pluie », « le pont de l'Europe ».

Malgré le fait que Gustave Caillebotte exposait avec ses amis impressionnistes, il n'était pas un véritable impressionniste. Sa peinture ne ressemble pas toujours à celle des chefs de file du mouvement Monet, Renoir, Pissarro, Sisley ou Berthe Morisot. Elle était davantage inscrite dans la filiation du réalisme, tout en apportant par son originalité, ses compositions audacieuses, ses cadrages photographiques, une touche d'un modernisme nouveau pour l'époque.
Je montre, ci-dessous, quelques oeuvres qui m'apparaissent comme les plus importantes parmi celles qui ont été peintes dans la maison familiale à Yerres :

Une toile nommée « Périssoires sur l'Yerres » a servi à l'affiche de l'exposition. On y voit l'adaptation photographique que Caillebotte utilisera souvent dans sa peinture : vision dynamique qui se retrouve dans les lignes en diagonale de la perspective, dans les gestes des rameurs et les reflets de leurs rames, dans les nombreuses variations de tons verts confinant un espace où le ciel a disparu.

Une vision très photographique se retrouve dans plusieurs scènes de canotage, une aubaine pour les caricaturistes lors de l'exposition impressionniste de 1879 : le peintre, placé au-dessus du motif, présente les rameurs en gros plan, sans visage. Dans une autre, la scène est étonnante de par son cadrage et par la représentation du canotier : l'homme ne porte pas le traditionnel maillot sans manches et chapeau de paille, mais est peint en tenue de ville, gilet, cravate et haut de forme, la veste déposée sur le banc…

Un autre cadrage photographique : un boulevard réalisé en surplomb de son sujet, la vue décalée n'a pas d'équivalent dans la peinture du 19e. La vue plongeante exceptionnelle de cette peinture est empruntée aux estampes japonaises.

Cependant, certaines toiles redonnent à Caillebotte sa place dans le mouvement impressionniste. Les bords de l'Yerres en été, ont été réunis en triptyque présenté comme « panneaux décoratifs » lors de l'exposition impressionniste de 1879. Les thèmes représentés sont l'eau, l'été, la nature et les activités offertes : pêche à la ligne, baignade, canotage : un véritable manifeste de la peinture avant-gardiste de plein air, en opposition avec la peinture classique de l'époque. Les touches juxtaposées font vibrer l'eau et l'air de ces belles journées d'été.

Je termine par une curieuse et jolie toile : « L'Yerres, effet de pluie, 1875 ». le graphisme évoque, par sa composition, l'influence du japonisme et des estampes que collectionnaient les peintres dans la deuxième moitié du 19e siècle : chemin tracé en diagonale, pluie invisible provoquant des ronds dans l'eau troublant l'horizontalité de la rivière, arbres verticaux sur la rive opposée.

« S'il avait vécu au lieu de mourir prématurément, il aurait bénéficié du même retour de fortune que nous autres, car il était plein de talent… Il avait autant de dons naturels que de conscience et il n'était encore, quand nous l'avons perdu, qu'au début de sa carrière. » (Claude Monet).

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