Prison de toile : 10 nouvelles sur les dangers de la cyberdépendance

Prison de Toile, de Julien Lenoir, est un recueil de dix nouvelles sur les dérives d'internet dans notre société. Chaque récit est construit sur une même base : le protagoniste est victime de cyberdépendance, qu'il s'agisse de sa propre addiction ou de celle d'un proche. C'est vraiment sans forcer que j'ai été embarquée dans cet ouvrage. Ceux sont des tranches de vie, des quotidiens infestées par « l'internet », des liens absolument rompus au profit des applications de partage. Mis à part la réalité du sujet, j'ai été sensible au bon sens qui transpire sous la plume de l'auteur. Il y a énormément de sujets traités, de problématiques soulevées : de l'adolescente qui se frappe la tête contre les murs car elle est privée de portable, en passant par la grossesse pour le buzz et toute la partie sombre du net ; sans parler des allusions à tout le reste de ce système qui crée les conditions pour que ces comportements pathologiques se développent. « Succes story » qui ne reposent sur rien, dictature de l'apparence et de la bien-pensance, justice qui n'est pas juste, recours extrêmement rapides à la violence, victimes de plus en plus jeunes… Chaque nouvelle est écrite à la première personne, chaque nouvelle se termine mal et pourtant j'avais les yeux ronds comme des billes à chaque chute. L'essence même du genre est parfaitement maîtrisée.
La tension s'intensifie au fur à mesure de la lecture, le « je » au départ passif devient acteur. Toutefois le personnage reste une victime, celle de cette société tout simplement malade. C'est ce que j'ai énormément apprécié dans cet ouvrage, le bourreau n'est pas qu'un tortionnaire, il a d'abord subi. Parce que l'on ne nait pas mauvais mais c'est tout un processus, il y a une véritable progression d'être humain lambda à la condition d'abominable criminel. Julien Lenoir ne tombe pas dans cette facilité de dire : « c'est la vie qui l'a rendu comme ça » mais apporte la bonne nuance « la vie aurait pu le rendre autrement ». C'est l'intervention humaine, c'est une société saine qui peuvent endiguer la création des monstres ou du moins permettent aux autres de les reconnaitre.
Ce livre est touchant, conscient, plein de bon sens. La simplicité du style le rend non seulement accessible mais surtout authentique et sincère ! Malgré le ton horrifique, une grande sensibilité et de la bienveillance s'en dégagent.

P.S. J'ai eu énormément de mal à passer à autre chose après « François » et un énorme coup de coeur pour « Clément ».