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Critique de jovidalens


Il y a des parents qui exposent au feu leur progéniture, les êtres qu'ils veulent le plus protéger. Etonnez-vous après, qu'il y est...flamboiement ! Destruction et re-naissance, mais dans un ailleurs, si loin !

Le lieu de l'action : une dictature d'Amérique Latine, avec les ravages que l'on connaît. L'esprit révolutionnaire a un souffle cubain, sur une musique de cris et de tirs de mitraillette.

L'action : l'arrivée d'un tout jeune homme à la chair si tendre et si vulnérable, protégé jusque là par une éducation bourgeoise, studieuse et livresque, au fond d'un calme séminaire, sa fragile complexion protégée par des vêtements bien fermés et de beau drap comme une élégante soutane ; donc son arrivée, sa dé-portation brutale, dans un village au coeur d'une forêt somptueuse, odorante et dangereuse, village poussièreux, écrasé de lumière et de chaleur, où travaille, s'agite une population suante de labeur le jour et d'ébats amoureux la nuit, aux pensées écartelées entre résignation et révolte.

C'est bien sûr la découverte, la confrontation de ce jeune bourgeois à une réalité de la vie qu'il ne connaissait pas, mais, de mon point de vue, une passionnante réfléxion sur l'art, qui ne se résout jamais à la seule adresse technique. Bienheureux ceux qui possèdent cette virtuosité de la main et de l'oeil, s'ils se contentent de ce simple don.
Pour les autres, il leur faudra "soulever la peau des choses" : certainement la phrase phare de cet ouvrage. Il faudra que la pensée et les tripes "prennent la main" pour transcrire des émotions, celles-là universelles.
Et cette expression "soulever la peau des choses" évoque et de la douleur, et de la patience, et des contorsions du corps et de l'intellect, pour regarder, voir, comprendre et s'approprier pour mieux restituer.
Emmanuel Lepage parle au lecteur de son art, et c'est émouvant.

En filigrane, la sensualité, la sexualité, presque à toutes les pages, brutale et imposée, bruyante car partagée, honteuse quand mal assumée, l'homoséxualité suggérée par la jupe d'une soutane qui virevolte dans une course, par une question "Vous n'avez pas chaud avec cette soutane ?" posée par un éphèbe doré, à moitié nu et qui le scrute en souriant narquoisement.

Picturalement, ouvrage somptueux, tant dans la mise en page, le graphisme et les couleurs. le dessin suggère, est miroir et abîme.
Une des images que je préfère : c'est une belle nuit étoilée, que l'on devine chaude ; les fenêtres des maisons sont éclairées, les portes ouvertes sur la rue dessinent des zones lumineuses. Surplombant le village, agenouillé, bras ballants, sur le bord d'un oculus, Gabriel contemple la scéne. Une planche relie cet oculus à l'échaffaudage par lequel il est monté et l'ensemble forme un énorme croissant comme deux serpes aigûes dans lequel il se trouve ensserré.
Quant la douceur du trait, la suavité des couleurs s'opposent, mettent en valeur la cruauté de la scénographie.



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