AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Rusen


Rusen
17 février 2016
Merci tout d'abord à Babelio et aux éditions Mad Milo pour m'avoir envoyé ce livre dans le cadre de Masse Critique.

"En ce monde, trois individus ont corrompu les hommes, un berger, un médecin et un chamelier".

Réédité chez Max Milo en 2008, le Traité des trois imposteurs est un livre aux thématiques alors en vogue dans l'Europe du XVIIIe siècle et aux origines relativement incertaines, rapidement résumées dans une introduction signée de l'éditeur.
On dénombre plusieurs oeuvres sorties sous ce titre et, bien qu'une des versions porte la date de 1598, le premier Traité semble n'être apparu qu'au XVIIIe. Il n'était pas rare à l'époque que ce genre de littérature circule de façon plus ou moins clandestine, anonymement ou signée d'un faux nom. Rappelons, par exemple, que le Baron d'Holbach avait publié sa "Théologie portative" sous le nom de l'Abbé Bernier.
Le Traité des Trois Imposteurs nous intéressant ici a également circulé sous le titre "L'Esprit de Spinoza". L'auteur véritable est encore inconnu bien que certains noms ont été proposés, de façon plus ou moins crédible, comme ceux de Jean Vroesen, Frédéric II ou encore Spinoza lui-même.
Dans tous les cas, "Il ressort que le Traité des trois imposteurs apparaît comme une anthologie collective de la résistance à la religion dans l'Europe des Lumières. Spinoza n'en est que l'emblème mais il est néanmoins omniprésent."

Le Traité des trois imposteurs peut se découper en deux grosses parties, une première dans laquelle l'auteur énumère -et réfute- les motifs poussant les hommes à se forger des "dieux invisibles", met en avant les contradictions présentes dans les textes et présente la religion avant tout comme un système et un outil politique. Il avance ainsi que "l'ignorance a produit la crédulité, la crédulité du mensonge, d'où toutes les erreurs qui règnent aujourd'hui sont sorties" et que "ceux à qui il importait que le peuple fut contenu et arrêté par de semblables rêveries ont entretenu cette semence de religion, en ont fait une loi et ont enfin réduit les peuples, par les terreurs de l'avenir, à obéir aveuglément". L'auteur du Traité des trois imposteurs cherche donc avant tout à démystifier la religion afin de mettre en lumière son status de système, prompt à contrôler et manipuler les hommes, tout cela non sans une certaine ironie que n'aurait pas reniée le Baron d'Holbach quelques années plus tard.

Dans sa second partie, le livre s'attaque de façon un peu plus "frontale" aux trois prophètes et aux textes sacrés.
Ainsi, Moise est vu comme un habile politicien tyrannique, abusant des crédules, s'étant emparé de tout sous de "fausses apparences de justice et d'égalité", "faisant périr sans quartiers [les] esprits forts et n'épargnant aucun de ceux qui blâmaient son gouvernement".
Jésus comme un suiveur de Moïse qui "se fit suivre de quelques idiots, auxquels il persuada que le Saint-Esprit était son père et qu'une vierge était sa mère", et Mahomet comme un "fourbe", établissant sa Loi en débitant les nouveaux oracles qu'il recevait du ciel à une populace ignorante et n'hésitant pas à ensevelir un de ses fidèles serviteurs sous les pierres afin d'asseoir sa popularité.

Les chapitres suivants (XII à XVII) sont tirés mot pour mot des "Trois vérités" (1593), de "De la sagesse" (1601) par Pierre Charron, un théologien catholique accusé d'athéisme pour avoir défendu la tolérance religieuse, et des "Considérations politiques sur les coups d'états" (1639) par Gabriel Naudé. Ces passages ne sont pas repris dans les autres éditions du Traité des trois imposteurs que j'ai pu parcourir. Ils constituent, à mon sens, le gros point faible du texte car ne faisant que répéter ce qui avait déjà était dit plus tôt, le tout dans un style bien plus lourd et parfois assez pénible à lire, la faute en particulier à des locutions latines quasi incessantes et pas toujours traduites.
On notera également quelques considérations qui rappelleront que les auteurs les plus progressistes de l'époque n'étaient pas forcément de tous les combats, à l'image de Sylvain Maréchal et de son "Projet d'une loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes" paru en 1801. Ainsi, "[La superstition] est aussi populaire, vient de la faiblesse d'âme, d'ignorance ou méconnaissance de Dieu bien grossière ; dont elle se retrouve plus volontiers chez les enfants, femmes (pro devoto foemineo sexu), vieillards, malades, assaillis et battus de quelque violent accident. Bref, aux barbares."

Ne laissons toutefois pas ces quelques chapitres plus ou moins inutiles ternir cette lecture, le Traité des trois imposteurs étant une oeuvre n'ayant (malheureusement) rien perdu de son mordant.
Commenter  J’apprécie          140



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}