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Critique de fanfanouche24


Comme une sorte d'OLNI….[ Objet Littéraire Non Identifié ] tant ce texte est d'un genre atypique, difficilement classable…

Un roman tout à fait étonnant nous offrant à la fois une radioscopie sociale du XXIe dans la vie parisienne, doublé d'un roman d'apprentissage…sans oublier une promenade magique , continue dans le Paris d'aujourd'hui…à travers les yeux d'une très jeune femme qui aborde sa vie d'adulte !

Une jeune femme, ayant fini ses études, et après un stage en librairie, décide de quitter sa Bretagne natale pour « monter à Paris » , trouver sa voie, un emploi, commencer une nouvelle vie, plus aventureuse…plus valorisante que la vie routinière de province .Ses parents sont agriculteurs…

Jeanne sera embauchée à la Tannerie, nouveau lieu culturel d'avant-garde, qui démarre un projet ambitieux dans un quartier populaire du 19e parisien, entre Pantin, Stalingrad et sa Rotonde, les quais de canal de l'Ourcq…Elle s'immergera dans ce lieu professionnel, observera les uns et les autres pour acquérir de nouveaux codes sociaux…car, si il y a une chose qui n'a pas changé, c'est l'aura, le prestige irradiant de la Ville-Lumière !...Elle se veut plus Parisienne que les natifs de la Capitale…Une sorte de fraîcheur, naïveté rafraîchissantes…nous faisant songer à la fable du "Rat des champs et du rat des villes" !!

Il est aussi beaucoup question de la Solitude en milieu urbain… l'envers de la médaille !!
« Jeanne se mit à réfléchir au sentiment de solitude. Quelque fois cela lui plaisait d'être seule, de se soustraire au regard d'autrui. Elle avait été seule au cours de son existence, peut-être que c'était parce qu'elle était enfant unique, on disait que généralement les enfants uniques étaient des solitaires. Mais depuis qu'elle habitait à Paris, cela lui pesait. Elle s'était mise à rechercher la compagnie des autres, à éprouver un désir fou de les entendre, de savoir comment ils vivaient, ce qu'ils pensaient, elle était prise d'une curiosité insatiable pour eux, elle devait les connaître à tout prix. (p. 107)”

De très belles et très nombreuses descriptions de la Ville, des différents quartiers de la Capitale, au fil des saisons.. !
Une balade ininterrompue dans Paris, ses architectures , ses arrondissements bourgeois ou populaires, nous offrant l'Histoire à chaque coin de rue !

L'auteure nous fait, également, le récit de l'actualité, des mouvements sociaux, de l'émergence du mouvement « Nuit debout » , en 2016, pour réagir contre la Loi Travail !!....L'occasion d'analyser, d'observer notre société, les dérives du capitalisme, de la technologie à outrance.. Notre narratrice reste, malgré sa volonté de trouver sa place dans ce monde, une observatrice, souvent en décallé…perplexe, hésitante…en marge !

Amoureuse de Julien, jeune intellectuel, occupant des responsabilités à La Tannerie…elle se cultive, va aux expositions, par curiosité mais aussi pour acquérir les codes sociaux des Parisiens cultivés ainsi que pour séduire et intéresser Julien…

Au quotidien, les difficultés durables de jeunes diplômés, sous-payés, allant de CDD en CDD…dans un monde de précarités multiples. Célia Lévi aborde tous les aspects de la vie d'une jeune femme dans notre quotidien, souhaitant trouver un travail valorisant, un sens à construire pour son avenir d'adulte responsable… On ne peut que s'étonner ou admirer la lucidité et la maturité de cette jeune écrivaine, qui autopsie « notre monde » de tous les jours : le monde culturel, le monde du travail, la politique, les mécontentements, les dérives multiples, les drames des migrants, des plus pauvres, la protection de la nature, de l'environnement, l'amour des animaux dans notre "monde de brutes" !! etc…


« de toute façon, on vivait dans une société qui sacralisait le travail, n'avait-elle pas remarqué que quand on rencontrait une personne pour la première fois, on lui demandait immédiatement ce qu'elle faisait comme travail, et non ce qu'elle aimait par exemple, comme si le travail définissait l'être. (p. 69)”

Un roman qui m'a d'autant plus semblé proche qu'il mettait en valeur des lieux qui me sont très familiers, que j'ai hantés, arpentés jusqu'à l'été 2000, après 15 années face au Parc de la villette, la Cité de la Musique… les bords de l'Ourq, la transformation d'un quartier mal aimé : entre Paris, le 19e arrondissement, le Canal de l'Ourq, la réhabilitation de quartiers délaissés en lieux branchés… La Rotonde de Ledoux ( à Stalingrad ), les quais de Seine, etc…. sans oublier l'évocation de la Bretagne de son enfance, et de ses parents !

Merci aux éditions TRISTRAM nous offrant un catalogue des plus tonifiants et éclectiques. La couverture de l'ouvrage est à remarquer ; son extrême sobriété de dessin et de couleurs est très évocatrice de « nos solitudes modernes » ….et du noyau central de ce roman.

Cette lecture a été si plaisante, attachante, riche, que , poussée par la curiosité, je me suis empressée de me commander deux autres textes de cette jeune auteure d'origine chinoise : « Les Insoumises » et « Dix yuans un kilogramme de concombres »… toujours aux éditions Tristram…



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