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Critique de kristolikid


Les structures élémentaires de la parenté est un livre difficile à résumer. D'abord parce que cela nécessite de l'avoir assimilé entièrement -ce qui n'est pas mon cas- et ensuite parce que les nombreux exemples fournis en soutien des thèses avancées ne sont pas aisément réductibles.

Au départ de l'approche proposée par l'auteur se trouve l'affirmation « qu'une logique interne dirige le travail inconscient de l'esprit humain, même dans ses créations longtemps considérées comme les plus arbitraires, et que les méthodes qu'il convient de lui appliquer ne diffèrent pas de celles réservées habituellement à l'étude du monde physique ».

Comme le titre l'indique, l'étude menée ici par Lévi-Strauss se porte sur les structures élémentaires de la parenté, c'est-à-dire les systèmes qui prescrivent le mariage avec un certain type de parents, en les séparant en deux catégories : conjoints possibles et conjoints prohibés. Les prescriptions ou interdictions de certains conjoints varient selon les tribus étudiées par Lévi-Strauss. D'un système à l'autre, on voit certains mariages acceptés ou bien refusés : mariage avec la nièce, mariage avec la fille du frère de mère (cousine croisée matrilatérale), mariage avec la fille de la soeur du père (cousine croisée patrilatérale), etc.

Lévi-Strauss avance donc que l'appareil imposant prescription et prohibition des conjoints dépend des trois structures élémentaires de parenté. Lesquelles se construisent à l'aide de deux formes d'échange (restreint et généralisé) qui elles-mêmes dépendent d'un caractère différentiel (harmonique / dysharmonique).
L'échange restreint et l'échange généralisé se caractérisent par un système de réciprocité entre deux groupes. L'échange est dit « restreint » lorsque un groupe A donne une femme au groupe B qui lui donne immédiatement une autre femme, sans attendre la génération suivante. L'échange est dit « généralisé » lorsqu'un groupe A donne au groupe B qui donne au groupe C (et ainsi de suite) et qui donne à son tour au groupe A. Enfin, un régime est dit harmonique ou dysharmonique selon qu'il y a coïncidence entre norme de résidence (matrilocal ou patrilocal) et système de filiation (matrilinéaire ou patrilinéaire).

Lévi-Strauss expose nombre d'exemples de ces trois systèmes de parenté, accumulant détails et explications pointilleuses à l'appui de la démarche scientifique qu'il a entreprise. Il en résulte que les conclusions se font parfois attendre, et que la percussion du propos cède souvent au besoin de justifier, démontrer, prouver. Pour le lecteur que je suis, l'intérêt devient limité, la concentration s'étiole et la compréhension du propos est alors laborieuse. Dans la préface à la deuxième édition, l'auteur lui-même regrette un style trop sophistiqué pour un propos qui contient déjà suffisamment de difficultés. Evidemment pour un ouvrage de ce genre, la démarche systématique qui consiste à apporter une quantité de données pour les analyser et les comparer, est requise, mais pour un lecteur lambda, une version allégée pourrait peut-être se montrer plus profitable.

Des conclusions intéressantes apparaissent toutefois à la fin de l'ouvrage. D'une part, l'auteur suggère clairement que le mariage est l'institution qui fait transition entre l'état de nature et l'état de culture. D'autre part, il tire des conclusions sur les origines de la prohibition de l'inceste. Ce qui l'intéresse c'est non pas la prohibition de l'inceste vue par le prisme de la culture, ou pour le dire autrement, comme prohibition issue de l'éducation (interdit moral), mais le phénomène primitif, ce qui en fait une modalité des structures élémentaires de la parenté. Et Lévi-Strauss avance alors que la prohibition de l'inceste relève non pas d'un interdit limitatif ou réducteur (comme pourrait l'être une sorte d'aversion biologique pour la consanguinité) mais d'un interdit créateur qui a vocation à garantir des échanges productifs pour chaque clan du groupe. le fait de devoir être donneur et receveur de femmes introduit des dépendances sous forme de réciprocités qui renforcent le groupe dans son ensemble. Ainsi Lévi-Strauss écrit-il : « Avant d'être un interdit portant sur une certaine catégorie de personnes, [les prohibitions du mariage] sont un prescrit qui en vise une autre. (...) Il n'y a rien dans la soeur, dans la mère, ni dans la fille, qui les disqualifie en tant que telles. L'inceste est socialement absurde avant d'être moralement coupable. "Tu ne veux donc pas avoir de beau frère ?" fournit la règle d'or de la société ».

Moins que les conclusions auxquelles il aboutit (qui m'ont semblé élégantes et sensées, cela ne présageant en rien de leur validité...), la note reflète donc la lourdeur et la technicité de l'ouvrage dans son ensemble.
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