AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colka


colka
03 septembre 2022
Avec le roman de Chi Li : Tu es une rivière, c'est tout un pan de l'histoire de la Chine moderne que nous survolons. Chi Li, qui est une merveilleuse conteuse, nous invite à suivre les tribulations d'une famille, celle de Lala devenue veuve à 30 ans avec 7 enfants à nourrir et un huitième à naître. Et la grande qualité de ce roman est, à mes yeux, qu'elle parvient dans ce court récit à nous faire traverser avec fluidité mais rigueur dans les détails l'histoire de la Chine - celle du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle - en l'imbriquant étroitement à l'histoire de cette famille.
Au premier plan, Lala, un beau personnage de femme à la fois victime et coupable. Victime, elle l'est tout au long du récit dans son combat quotidien pour nourrir sa nombreuse famille en n'hésitant pas même à vendre son corps - dans les deux acceptions du terme - lorsqu'elle n'a plus d'autre solution !
Bien sûr l'auteure épingle au passage, à travers le comportement de Lala aux abois dans la recherche de nourriture, les graves erreurs du gouvernement chinois coupable d'avoir désorganisé les circuits de l'artisanat local sans se préoccuper des conséquences délétères que cela aurait sur "les masses laborieuses" et leur famille !
Victime elle l'est aussi par la pression sociale de la communauté et des responsables communistes locaux qui la poussent à se remarier ou à travailler à l'usine. Elle se défendra bec et ongles pour sortir de ce modèle imposé aux femmes vulnérables et peu instruites et elle obtiendra de belles victoires personnelles ! C'est le côté sympathique du personnage qui est d'ailleurs très finement évoquée par l'auteure qui nous la donne à voir dans un rapide portrait d'une étonnante présence ou à entendre dans les dialogues qu'elle entretient avec son entourage et qui sont d'une savoureuse verdeur.
Mais heureusement l'auteure nous livre aussi un personnage d'une complexité bien souvent déroutante. Mère aimante elle peut aussi se transformer en parfaite mégère et adopter un comportement glaçant comme lorsqu'elle inflige à son fils aîné, Dewu, une punition digne d'une scène de torture !
C'est d'ailleurs, au fur et à mesure que l'on avance dans le roman, une famille complètement dysfonctionnelle que Chi Li met en scène. Par petites touches réalistes, elle évoque le vécu de cette fratrie marquée à la fois par la rudesse des conditions de vie de cette époque - travail précoce des enfants, saleté, promiscuité, maltraitance due à l'absence de soins - et aussi aux errements maternels ! L'une des filles, Dong'er est à ce titre un personnages intéressant car ses réactions cristallisent tous les dérèglements familiaux et elle ne se sauvera elle-même qu'en coupant les liens avec sa mère et ses frères et soeurs.
C'est donc une histoire assez sombre que nous conte Chi Li, même si jamais elle ne sombre dans le pathos ou le misérabilisme, car elle a le sens du tragi-comique et elle sait aussi couper avec une phrase couperet tout dérapage mélodramatique.
Ce que j'ai également beaucoup apprécié c'est l'humour au second degré dont elle fait preuve tout au long du roman, notamment lorsqu'elle évoque en arrière plan tous les dérapages liberticides ou grand guignolesques des régimes communistes de l'époque !
Commenter  J’apprécie          443



Ont apprécié cette critique (43)voir plus




{* *}