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Critique de frmartini


Qu'advient-il lorsqu'un metteur en scène d'opéra vieillissant séduit une jeune violoniste ? C'est le sujet d'un gros roman sentimental en forme de vacances en Italie. Je ne saurais trop conseiller de le lire aux terrasses de cafés surchauffées à l'heure de la sieste, un americano devant soi. le roman prend la forme d'une chronique méticuleuse. Au cours des années 2000 (la Traviata célèbre de Salzbourg en 2005 sert de marqueur temporel), à Lecce, petite ville des Pouilles dotée d'un petit théâtre, Carlo, metteur en scène de l'avant-garde institutionnelle (le genre qui transpose les livrets d'opéra sans se soucier du public qui a payé pour voir l'oeuvre originale) aime désespérément Giovanna, violoniste juvénile encombrée de son art. Dès lors, pour tromper l'ennui, le couple cherche à s'occuper (ces deux-là ne semblent pas vraiment travailler). En effet, dès le départ, tout va de travers : Giovanna ne jouit pas, or l'amour ne se contente pas de caresses. Carlo n'est pas très inventif (curieux, pour un metteur en scène) et le principal problème du couple est de trouver des chambres discrètes (Lecce doit être sacrément provinciale pour qu'un couple dépareillé doive ainsi se cacher. Jamais Giovanna ne se fait trousser dans une ruelle, ni rien du genre.

Heureusement, tout ceci se déroule en Italie, pays de monuments merveilleux, ce qui permet à André Lorant de nous promener de Lecce à Venise (en passant par l'aéroport de Brindisi, c'est précisé chaque fois) et, au cours d'un voyage qui fait écho en miroir à celui de Rossellini, en Europe continentale. L'évocation des plus courus et des plus prestigieux sites touristiques d'Europe est systématique et succincte, mais le maître a du goût et de la culture. Ce qu'il impose à ses spectateurs, il ne le consomme pas lui-même. Lorant, toujours précis (mais parfois trop, lorsqu'il cite une imaginaire mise en scène de Strehler dirigée par Karajan ou qu'il confond Othello et Macbeth, tous deux de Verdi) cède parfois (toujours) à la manie du name dropping. Aucun prénom de compositeur ne nous est épargné, bien qu'ils soient tous très connus, aucune appellation administrative d'institution prestigieuse non plus. le voyage des amants est merveilleux, il faut bien l'avouer, et l'on ne rêve que d'une chose, le refaire, mais sans eux.

Heureusement, coup de théâtre, Giovanna est embauchée à Venise. Carlo reste à Lecce. le drame se noue. Il la trompe et le lui dit, elle avoue à demi-mot gouiner un peu. Leurs retrouvailles sont l'occasion d'épanchements sentimentaux tragi-comiques (comme cette glissade nocturne jusque dans la lagune). Mais que l'on se rassure, point de passions méditerranéennes ravageuses, on sait se tenir en société. Quelques grandes figures de l'opéra sont évoquées au passage (Karajan, Abbado, Strehler, Chéreau, que du beau monde très connu).

Bien sûr, et tout l'intérêt du roman est là, ce qui pour Carlo représente l'aventure du démon de midi, devient le roman d'initiation de Giovanna. La « jeune violoniste », ainsi que l'appelle sans cesse l'auteur, devient moins jeune, découvre le sapphisme, le féminisme, le désespoir, les tentations suicidaires et le sida (pas personnellement, heureusement, mais par la mort d'un ami victime un peu tardive du « cancer gay ») tandis que Carlo, les deus-ex-machina ont du bon, est invité à Tokyo. À la fin, tout finit bien.

Très littéraire, le roman est truffé de citations, les protagonistes ne s'exprimant que très peu eux-mêmes (ils ne dialoguent pour ainsi dire presque pas), le texte fourmille d'énumérations exhaustives, de notations dignes du guide Bleu, ce qui n'est pas sans évoquer Houellebecq, mais les amateurs de langue châtiée seront au paradis.

J'aurais aimé que l'auteur eût un peu d'imagination ou, tout au moins, de fantaisie.
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