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Critique de gabb


Ouf, j'en ai fini avec Eddy Bellegueule. Ça, c'est fait !
Reste maintenant à comprendre ce qui, dans ce roman autobiographique aux allures de règlement de compte malsain, a tellement enthousiasmé les foules à sa sortie en 2014. Et là j'avoue que je sèche un peu...

J'avais entendu parler d'un "texte coup de poing, dur et poignant".
Mouais, bof.
On m'avait fait miroiter une brillante analyse sociale, écrite dans style percutant qui, "supersposant deux niveaux de language mis en évidence par la typographie, devait donner toute sa force au récit"...
Mouais, re-bof.

Pour ce qui est de l'analyse sociale, j'ai pas trouvé ça flagrant.
Plutôt un cri de rage, une charge tous azimuts menée par un Edouard Louis revanchard contre tous ceux qui changèrent son enfance en enfer. Traumatisé (on le serait à moins !) par les multiples actes de maltraitance et d'exclusion dont il fut victime dès son plus jeune âge, Edouard tire à vue. Sur ses parents d'abord, sur leur indigence crasse et les carrences affectives abyssales d'une cellule familiale en lambeau, puis par extension sur ses frères, soeurs, cousins, oncles, "camarades" de classe, tous coupables d'être nés là, sur ce terreau putride rongé par la violence, l'alcoolisme, la misogynie et l'homophobie...
Pas vraiment d'analyse donc, ni nuance, ni recul, ni contradiction, pas même une once d'espoir. Juste un constat terrible, l'expression brute et un peu vaine d'un profond malaise qui bien vite devient contagieux au point d'écoeurer le lecteur. Remarquez, dès la toute première phrase nous étions prévenu : "De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux".

Quant au style prétendument novateur et décapant, là encore je reste sur ma faim. L'insertion à la volée, au hasard et en italique, de toutes ces phrases parlées, souvent vulgaires et bancales, a fini par me fatiguer un peu ... et je n'ai d'ailleurs pas trouvé le reste du texte d'un niveau nettement supérieur. Peut-être la lourdeur du fond - glauquissime ! - m'a-t-elle empêché d'apprécier à sa juste valeur la présumée virtuosité de la plume.

Dommage, la révélation littéraire de la rentrée 2014 restera donc pour moi un beau succès éditorial, mais certainement pas un bon souvenir de lecture.
Evidemment, on ne peut qu'être touché par les conditions de vie dramatiques de l'auteur, et par ses aspirations légitimes à s'extirper de la fange par le haut (l'écriture, la culture, le théâtre).
Hélas on ne peut s'empêcher dans le même temps de trouver son réquisitoire un peu "facile" et on a bien du mal à déterminer où se situe la frontière entre témoignage et caricature, tant les clichés sont nombreux. On peine à croire qu'une telle misère - matérielle et affective - ait encore pu sévir, même au fin fond de la Pircardie, au début des années 2000.
On regrettera enfin qu'Edouard Louis, tellement stigmatisé pour son extrême sensibilité et son attirance précoce pour les garçons, stigmatise à son tour, à longueur de chapitres, sans le moindre discernement.

Sans doute ce livre lui aura-t-il servi de thérapie et d'exutoire (comment lui en vouloir, s'il a vraiment traversé toutes ces épreuves ?), mais pas sûr pour autant qu'une telle publication mérite tous les éloges dont les médias l'ont gratifiée.
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