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Critique de Musa_aka_Cthulie


La publication d'un ouvrage collectif sur Lovecraft est forcément bienvenue dans le paysage de la littérature en français, qui est loin d'être saturée d'études sur le sujet. Et comme le Maître de Providence fait en retour en force depuis plusieurs années, ActuSF a lancé son projet à point nommé.


L'ensemble, composé en trois partie - l'homme, l'oeuvre, l'univers étendu - recouvre de nombreuses thématiques, à la fois essentielles et passionnantes pour toute personne désireuse de mieux connaître l'écrivain, son travail, mais aussi son influence sur d'autres domaines que la littérature, ainsi que la réception de ses écrits en France (sujet ô combien important). Donc, cet ouvrage est une réussite... partielle.


La réussite tient, à mon avis, à quelques points importants : d'une part, ActuSF a fait appel à des auteurs venus de tous horizons : critiques, traducteurs, illustrateurs, éditeurs, universitaires, et j'en passe. À quelques exceptions près, cette pluridisciplinarité des auteurs pris dans leur ensemble fonctionne plutôt pas mal, chacun apportant, selon sa compétence propre, de l'eau au moulin. De plus, les textes et les points de vue se recoupent, se complètent, ou bien divergent carrément. le fait que tout le monde ne parle pas d'une seule voix permet au lecteur de ne pas se retrouver pris dans un discours monolithique, et au contraire lui donne l'occasion d'exploiter plusieurs pistes de réflexion. D'autre part, les thématiques ont été bien choisies (sinon toujours bien traitées), si bien qu'à côté d'articles aux sujets inévitables (comme le racisme de Lovecraft ou le "mythe de Cthulhu"), il est question aussi, par exemple, du cycle dunsanien (le versant fantasy des récits lovecraftiens), du jeu de rôle et du cinéma, ainsi que des traductions en français, sujet qui fait débat depuis tellement d'années et d'autant plus florissant que l'oeuvre de Lovecraft est tombé dans le domaine public en 2008 pour ce qui est de l'Union européenne.


Enfin, la forme elle-même du livre est intelligemment conçue : biographie, essais, extraits de lettres, interviews : c'est suffisamment diversifié pour éviter des bâillements aux lecteurs, et ça permet même de tout lire du début à la fin, sans rien omettre. Mais le livre est également conçu pour qu'on puisse revenir facilement sur un seul article, ou pour qu'on puisse ne s'attacher qu'à un ou deux sujets en particulier, en fonction de ses envies. On notera tout de même que certaines interviews manquent d'intérêt, et relèvent de la pub perso. De même pour les dessin (ne surtout aps s'attendre à un "beau livre" !)


Le meilleur de l'ouvrage, c'est pour moi le texte de Bertrand Bonnet, intitulé "Lovecraft en vingt-cinq œuvres essentielles". Je le cite d'autant plus volontiers que je craignais, au vu du titre, de lire un article à l'effet catalogue, énumérant de façon ennuyeuse une longue liste d’œuvres (on verra que l'auteure du texte sur les lieux est tombée en plein dans le panneau). Or, non seulement Bertrand Bonnet évite de nous ennuyer avec de longs résumés et des révélations mal venues sur la chute des récits, mais il se livre, pour chaque oeuvre, à une véritable travail de critique, analysant chaque texte, expliquant pourquoi il le considère comme essentielle dans le corpus lovecraftien, et le rapportant au contexte de ce même corpus.

J'ajouterai que Christophe Thill a, quant à lui, écrit un texte à la fois original, étant donné son sujet, et intéressant, sur les "révisions" de Lovecraft, c'est-à-dire les textes que celui-ci a commis plus ou moins en collaboration avec d'autres auteurs. D'ailleurs, les interviews du même Christophe Thill ponctuent l'ensemble de l'ouvrage de manière à la fois cohérente et agréable, en donnant toujours un éclairage intéressant sur les articles environnants. Et puis, enfin, les extraits de la correspondance entre Howard et Lovecraft valent vraiment le coup d’œil !


À l'inverse, les articles sur le mythe de Cthulhu et sur Lovecraft et la science m'ont paru un peu faibles, pâtissant probablement du manque d'expérience et de connaissances des deux auteurs : pourquoi ne pas s'être adressé à d'autres personnes ?

Mais passons carrément à ce qui fâche : l'article sur Lovecraft et les lieux n'a rien à faire dans un tel livre. Il est nullissime, l'auteure n'évoquant aucune piste de réflexion et se contentant de donner une liste de lieux où Lovecraft a vécu, accolée à une liste de résumés des nouvelles et romans, qui présente une à une les descriptions des lieux qu'on y trouve. Pas l'ombre d'une amorce d'analyse littéraire, un style ultra-scolaire qui endormirait n'importe qui, et une conclusion à pleurer que je cite :"Les environnements [que Lovecraft] dépeint contribuent à l'ambiance pesante et envahissante que nous pouvons ressentir à la lecture de ses nouvelles. Ces lieux, bien que proches des nôtres, comme nous l'avons vu, lui ont été inspirés soit pas ses rêves lucides, soit par son expérience dans différentes villes." Toute la réflexion de l'auteure du texte tient en ces quelques mots. Merci à elle pour pour ces platitudes... Donc là, je dis non. On en est à se demander si l'auteure de cet affreux article est la fille d'un mécène, ou bien amie avec quelqu'un de bien placé à ActuSF, ou bien on peut encore avancer comme hypothèse que la rédaction du texte avait été confiée à quelqu'un qui s'est désisté au dernier moment et qu'on a pris la première personne qui passait dans la rue pour le remplacer. Bref, je trouve très peu professionnel qu'une maison d'édition ait décidé de publier cet article rédigé par une personne qui n'avait aucune compétence pour l'écrire, alors que les autres contributeurs ont, eux, fait correctement leur part du travail. C'est une belle tache dans un ouvrage qui avait tout pour être une référence sur Lovecraft.

Bref. Tout ça pour dire que, excepté cette grossière erreur de la part des directeurs de publication, "Lovecraft : au coeur du cauchemar" vaut, malgré ses défauts, le détour.



Masse Critique Non-fiction
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