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Critique de domi_troizarsouilles


Je suis encore et toujours étonnée de ces notes dithyrambiques que certains livres obtiennent, quand lesdits livres m'ont laissée beaucoup plus dubitative. Au moment où je commence ce commentaire (le 15 novembre 2021 en soirée), il a : 17,9/20 sur Livraddict ou 4,54/5 sur Babelio. Ce n'est pas rien quand même !
Cependant, vous l'avez compris : je ne partage pas (une fois de plus ?) l'engouement massif que ce livre semble avoir suscité. Oh ! pour autant, cette fois en tout cas, je ne dirais pas non plus que je ne l'ai pas aimé… mais le moins qu'on puisse dire, c'est je l'ai trouvé tout à fait inégal et, si le monde créé est extrêmement bien travaillé, il n'est pas foncièrement original.

La première idée qui me reste à l'esprit après avoir refermé ce livre il y a une douzaine d'heures, c'est sa longueur : il est réellement interminable. L'autrice aurait pu le couper de 200-300 pages et on n'y aurait rien perdu, mais j'y reviens…
Le début a même été très pénible. Certes, on comprend après coup qu'il était nécessaire pour bien poser le contexte, et présenter les personnages principaux, surtout celle qui reste la personnage principale à travers tout (même si un personnage principal masculin va bientôt évoluer à ses côtés) : la jeune Bryce Quinlan, métisse mi-fae mi-humaine, employée à tout faire dans un magasin d'antiquités très spécial dirigé par une sorcière qui se veut menaçante (mais que, pour ma part, j'ai surtout trouvé gentiment moqueuse mais irréaliste). Elle a été à l'université, mais il n'est jamais dit ce qu'elle a étudié exactement (ou alors j'ai zappé), et aimerait un autre emploi sans trop savoir quoi elle-même, Elle qui a dû renoncer à son rêve de devenir danseuse car elle n'avait soi-disant pas le bon physique ; elle qui est de toute façon bloquée d'emblée par son statut de mi-humaine, dans un monde où les humains sont tout en bas dans la hiérarchie sociale. Mais surtout, on nous présente aussi son amitié à la vie à la mort, de ces amitiés à la limite de l'extrême dont tout le monde rêve bien un peu, avec l'une des plus puissantes louves métamorphes de la ville : Danyka Fendyr.
Quoi qu'il en soit, vraiment j'ai dû m'accrocher pour ne pas lâcher durant au moins la première centaine de pages – paradoxalement, ce sont justement ces notes tellement enthousiastes qui m'ont motivée : si tant de lecteurs l'ont à ce point apprécié, c'est qu'il ne peut pas être tout à fait mauvais, n'est-ce pas ?

Parmi les bons points que l'on peut relever d'emblée, il y a donc cet univers dans lequel évoluent nos personnages : il est, comme je disais plus haut, extrêmement bien travaillé, avec plein de détails qui font sens et qui permettent que chaque espèce, chaque niveau de pouvoir soit parfaitement reconnaissable à tout moment, tout au long de la narration. En outre, l'autrice a réussi ce tour de force de ne pas nous le décrire façon « plaquée » au début de l'histoire, au contraire : c'est dilué tout au long des pages, de façon suffisamment précise pour que les éléments les plus importants soient clairs d'entrée, et ensuite les détails s'ajoutent tranquillement au fil de l'action.
Mais voilà : mon bémol, qui certes ne dérange pas la lecture, mais fait « tiquer » par moments quand même, c'est que l'autrice ne présente pas quelque chose de réellement original… La société qu'elle nous présente m'a immédiatement fait penser à la Grèce antique – avec, notamment, une hiérarchie sociale très figée, avec les citoyens (les fameux civitas !) qui jouissent d'un certain nombre de droits tant qu'ils se plient aux obligations liées à leur rang propre ; et tout en bas de l'échelle, les esclaves, gagnés le plus souvent à la guerre – ici, les anges déchus. le tout étant chapeauté par de mystérieux supérieurs qu'on ne croisera que très brièvement mais dont on parle tout le temps, ces fameux Asteri, qui font tellement penser aux dieux capricieux (et souvent détestables) de l'Olympe. Je précise : je ne suis absolument pas spécialiste de la Grèce antique, mais il se trouve, tout à fait par hasard, que mon fils aîné apprend actuellement le grec ancien à l'école (ce que je n'ai, quant à moi, jamais eu…), et nous a abondamment parlé de ses premiers cours, dans lesquels on leur exposait d'abord en long et en large la civilisation grecque antique… et tout à coup, le rapprochement était tellement évident qu'il m'a presque choquée !

Cette base étant posée, l'autrice l'ornemente de diverses créatures plus ou moins classiques de la fantasy – donc, là non plus, rien de bien nouveau sous le soleil. Alors, ici encore, je ne suis pas spécialiste du genre, mais les métamorphes sont des personnages récurrents chez pas mal d'auteurs, sans même parler des démons ; et pour le reste on fait un petit détour en Nouvelle-Zélande chez Nalini Singh et sa Chasseuse de vampires (coucou Raphaël !), ou dans les romans précédents de notre autrice, car bien sûr on reconnaît aussitôt les terribles fae de son célébrissime ACOTAR !
Cela dit, je suppose que la majorité des auteurs de fantasy ne font rien d'autre que piocher dans ce qui existe, pour en faire une espèce de remix saupoudré, plus ou moins intelligemment, de leur propre assaisonnement, en changeant çà et là l'orthographe pour y ajouter une touche personnelle, ce qui me semble tout à fait inutile : un vampyre reste un vampire, ou l'Anfer reste le monde des Enfers ! Ce n'est pas une critique : après tout, c'est la même histoire depuis longtemps, quand on pense par exemple aux très nombreux récits de la Création des diverses religions, qui se recoupent tous plus ou moins ; or, ces écrits sont tout à fait passionnants pour la plupart ! Mais je voulais surtout souligner que, décidément, on ne peut pas dire que cet univers soit original, ce n'est en aucun cas le mot qui peut le définir – ce qui n'empêche pas, au risque de me répéter, qu'il est extrêmement bien travaillé, ciselé même. Je suis donc mi-figue, mi-raisin sur ce premier point.

Des personnages, je n'ai (étonnamment ?) pas grand-chose à dire. Comme l'univers dans lequel ils évoluent, ils sont tous extrêmement bien travaillés, et on s'attache exactement à ceux auxquels l'autrice semble avoir voulu qu'on s'attache : Bryce bien sûr, mais aussi l'ange déchu Hunt Athalar, homme de main (entendez : exécuteur) au nom du puissant archange Michée, avec qui Bryce va peu à peu développer une relation « ennemies to lovers » - amenant ainsi cette histoire aux limites de la bit-lit. Autour d'eux, tout un petit monde se crée, je ne vais pas tous les nommer et encore moins détailler ici, mais indéniablement : ils sont parfaitement maîtrisés, ils flirtent parfois avec certains clichés que l'autrice s'emploie à casser au fur et à mesure dans des tours de passe-passe très réussis, ils sont tous bien campés et portent des noms suffisamment distincts pour être immédiatement identifiables, même les plus secondaires n'ont pas échappé à ce travail minutieux, et pour cela : bravo !

Reste donc l'écriture : je l'ai dit, elle est très inégale.
La première chose à dire, c'est une oscillation permanente dans le niveau de langage. En effet, alors que le niveau de langage général est tout à fait correct, on ne peut que remarquer de façon criante l'utilisation systématique, agaçante et parfaitement inutile des termes « putain » et « merde/merdique ». Plutôt que de la grossièreté (comme dénoncent certains), j'y ai trouvé un énorme manque de maturité, comme si l'autrice avait voulu « faire adulte », mais à la manière d'une ado qui ne sait pas très bien comment s'y prendre ! Si c'est là sa façon de passer d'un public young adult (comme ACOTAR), à un public adulte-adulte, c'est un flop considérable. En effet, même si cette peut-être grossièreté se limite exclusivement à ces deux mots-là – je n'ai rien trouvé d'autre qui mérite le terme de grossier -, c'est leur utilisation à tort et à travers, pour tout et n'importe quoi, qui finit par lasser… et surtout, leur répétition, plusieurs fois à chaque page, et si par miracle on ne les trouve pas sur l'une ou l'autre page, on les retrouve en abondance sur la suivante ! Si on retirait toutes ces occurrences du livre, on gagnerait au moins 20-30 pages, voire même davantage…

Pour le reste, comme dit plus haut, je me suis ennuyée pendant les 100 premières pages, au point d'avoir plusieurs fois hésité d'abandonner ce livre. Mais quand cette interminable introduction laisse enfin la place au coeur de l'intrigue, peu à peu on se laisse vraiment prendre, car c'est plein de rebondissements, tout en approfondissant le monde dans lequel vivent nos personnages principaux. Rebondissements ne veut pas dire rythme pour autant, cela dit : j'ai parfois été agacée de la lenteur de l'évolution de la relation entre Bryce et Hunt. On avait compris dès le début que la relation évoluerait, mais là encore, ça se fait à la façon d'un roman young adult où on ose à peine se toucher, et les scènes à caractère sexuel sont à hurler de rire tant elles sont lentes et empruntées, avec là aussi la tentative de l'autrice de « faire adulte »… à travers l'utilisation maladroite du mot « bite » par exemple. Il aurait pourtant suffi de s'inspirer de l'une ou l'autre romance érotique de bonne facture, et tant qu'à faire, ça aurait pu être plus « chaud » tout en étant plus crédible et mieux écrit !
J'ai également été agacée de la lenteur de certaines petites révélations.

Enfin, quand on arrive au « climax » du livre, l'autrice passe à un langage très cinématographique, qui aurait pu faire son effet… malheureusement il est exagéré, on « sent » carrément le procédé, et ça, c'est bien le pire qui pouvait arriver. En fait, j'ai trouvé ce livre plein de procédés d'écriture divers et variés, mes anciens « cours » en atelier d'écriture m'ont permis d'en identifier plusieurs, ok. Mais un bon livre devrait mettre ces procédés au service de la narration pour être vraiment efficaces, pas ressortir à ce point. Car le problème d'une écriture cinématographique, c'est qu'elle n'est quand même pas une caméra : si elle permet des images mentales ultra-précises, à la seconde près, la lecture ne permet jamais de visualiser les choses aussi vite que le ferait un film… si bien que cette partie-là devient, à son tour, interminable, tant elle est inondée de menus détails qui auraient leur place dans un script, mais certainement pas dans un roman ! Certes, à cet endroit-là je ne me suis pas ennuyée… mais j'ai indubitablement sauté des lignes et des lignes, car vraiment c'était beaucoup, beaucoup trop long !

D'ailleurs, mon avis est déjà beaucoup trop long lui aussi… Pour faire bref, je dirai donc que j'ai trouvé ce livre moyen : beaucoup de bon, notamment dans des personnages réellement ciselés qui évitent l'écueil des clichés même s'ils sont parfois à la limite, un univers extrêmement bien travaillé (même s'il n'est pas foncièrement original), mais aussi de (très) gros défauts : l'utilisation exagérée de certains termes qui font hésiter entre manque de maturité ou grossièreté, une introduction beaucoup trop longue, et des procédés littéraires tellement visibles qu'ils finissent par gâcher la narration.
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