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Critique de Luniver


En 1985, un cataclysme s'abat sur l'Amérique, détruisant toute forme de vie humaine et enfouissant les glorieux bâtiments sous des tonnes de gravas. Rien ne bouge pendant deux millénaires, jusqu'à ce qu'un archéologue amateur, Howard Carson, mette à jour un somptueux tombeau pratiquement intact. Il déploie alors tout son talent pour partager sa découverte avec le grand public, et lui communiquer la manière dont les Anciens conduisait leurs rituels de funérailles.

Sauf que voilà, Carson n'a pas découvert un tombeau prestigieux, mais une chambre d'un motel miteux du fin fond de l'Amérique, dans laquelle s'est retrouvé coincé, lors de la catastrophe, un couple d'américain tout aussi miteux. Voilà donc la télévision devenue objet de culte destiné à communiquer avec les dieux (jusque là, ça va encore), la petite pancarte « do not disturb » un sceau sacré destiné à protéger les morts, les commodes des meubles destinés à recevoir des offrandes, et nos grands prêtres porter la lunette des WC autour du cou en aspergeant la chambre d'eau sacrée à l'aide de la brosse.

Bien qu'étant classé en littérature jeunesse, ce livre plaira aux lecteurs de tout âge. Il est extrêmement drôle, et il n'y a pas une page qui ne fait pas référence à un événement de notre époque : la découverte des autoroutes provoque les mêmes débats que les figures géantes de Nazca, les morts parmi les chercheurs font craindre une malédiction à la Toutankhamon, l'explorateur le plus connu de notre époque est le célèbre franco-italien Guido Michelin, les enseignes de fast-food deviennent des religions concurrentes, etc.

Derrière l'humour, on peut tout de même distinguer deux critiques. Tout d'abord, une leçon d'humilité pour les historiens ; certains ont eu l'habitude de classer comme « objet de culte dont la signification a été perdue aujourd'hui » tout ce qu'ils n'arrivaient pas à reconnaître immédiatement. La tâche est pourtant difficile, et il n'y a pas honte à reconnaître qu'on ne comprend pas (les amateurs de brocante qui se sont déjà retrouvés face à un peigne à myrtilles ou un appareil conçu pour battre les oeufs en neige manuellement seront d'accord avec moi… et c'était il y a deux ou trois générations seulement !)

La deuxième critique, qui concerne tout le monde cette fois-ci, porte sur le tourisme. Les visiteurs de l'exposition peuvent acheter des souvenirs, dont des reproductions soignées des oeuvres d'art des Anciens… qui sont en réalité les taches d'humidité du plafond de la chambre, et les graffitis obscènes des toilettes publiques. Sans aller si loin, on peut se poser la question de la valeur qu'accordaient les contemporains aux oeuvres qu'on admire aujourd'hui dans les musées. Pour avoir visité Pompéi, tout le monde s'extasie (moi y compris) sur les mosaïques et les peintures intactes, mais leur propriétaire les trouvait peut-être moche, démodée, kitsch, et était peut-être en train de chercher par quoi les remplacer à peu de frais. de même, si j'apprenais que la décoration de mon appartement serait exposée dans mille ans, je ferais une drôle de tête. Peut-on raisonnablement donner du cachet à une oeuvre simplement parce qu'elle est ancienne et qu'elle a échappé aux affres du temps ? Vous avez quatre heures !

Le livre est assez surprenant, car il a la forme des livres pour enfants (une grande illustration qui occupe toute la page et quelques morceaux de texte par-ci par-là), ce qui ne l'empêche pas de provoquer beaucoup de réflexions, y compris chez les adultes. Toutes les personnes qui l'ont lu peuvent encore en parler des années plus tard. le lire ne vous prendra qu'une demi-heure, et ça sera une demi-heure bien employée !
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